« L’économie de l’homme reste celle d’un mammifère hautement prédateur, même après le passage à l’agriculture et à l’élevage…Cette persistance de notre caractère prédateur, auquel nous devons sans doute notre survie, au cœur de l’économie d’un organisme collectif qui met le progrès au service de la plus grande sauvagerie, conjugue l’archaïque et la modernité dans une violence commune d’autant plus difficile à cerner quelle demeure confondue. De la sorte, la société humaine devient la principale consommatrice d’hommes, sous toutes ses formes, par la violence ou le travail. »[1]
« Il ne faut pas d’abord veiller à la diminution de la souffrance, mais à l’augmentation de l’existence. Car une diminution de la souffrance prise comme but unique ne peut conduire qu’à l’invention d’anesthésiants de tous ordres, à commencer par celui du conformisme social »
Ce séminaire vient en contre point du séminaire de JC Weber et Laure Barillas -séminaire de recherche intitulé cette année « Malaise dans la Civilisation ? ». En contre point : en musique, le contrepoint est une forme d’écriture musicale qui trouve ses origines avec la polyphonie née au Moyen Âge et qui consiste en la superposition organisée de lignes mélodiques distinctes. En contre point donc, en dialogue et je m’appuierai parfois sur l’une ou l’autre de leurs interventions, ou sur des points soulevés par l’un ou l’autre. En contre point aussi, pour ne pas être seule, sans qu’il s’agisse d’un séminaire « commun ». Et Laure a accepté l’invitation à participer et intervenir à ce séminaire ; elle fera donc encore mieux le lien entre les deux séminaires. À Christophe et Laure, à vous qui êtes un « petit public » fidèle, se joignent aussi mes deux amies argentines Luciana et Maria Martha avec qui nous discutons les séances. Nous essayerons une séance ensemble, par skype si elles n’arrivent pas à franchir l’océan début juin.
« Malaise dans la civilisation ? ». Mésaise. Unbehagen qui pourrait aussi être traduit par : mécontentement, contrariété. Unnbehagen : état de malaise ou d’inconfort (en anglais : civilization and its discontents, Freud aurait préféré Man’s discomfort in civilization), sensation pénible et vague, d’autant plus pénible que vague, déplaisir continu, incertitude et inquiétude. P.L. Assoun : il y a du malaise dans la Kultur et (potentiellement seulement) il y a un malaise de la Kultur. Le titre initial était semble-t-il Das Glück und die Kultur, puis Das Unglück in der Kultur.
Un de mes mésaises a été l’intitulé de ce séminaire. J’ai longtemps hésité avant d’arriver à affiner progressivement ce qui me travaille et me fait m’avancer aujourd’hui pour exposer et donc soumettre à votre critique quelques-unes de mes réflexions. Mal ? Négativité ? Négatif ? Ces différents termes seront sans doute à déplier à un moment ou un autre. Travail de Négatif. Pour A.Green « il n’est pas facile de faire comprendre aux psychanalystes eux-mêmes, à quoi répond la catégorie du négatif en psychanalyse, dont ils sont pourtant les témoins privilégiés »[2] Dans la théorie psychanalytique le négatif vise communément le sens latent par opposition au sens manifeste, associé à la positivité. Mais la positivité appelle la négativité. Ce n’est pas seulement un simple renversement, mais la négativité se situe « contre » dans les deux sens du terme : proche et adverse. « Négation de la Merde » de Milan Kundera dans « l’Insoutenable Légèreté de l’Être » cité par Benoit Mathot dans un article « Effacement de la Négativité, culture de la coïncidence »[3]. « Comment penser – (et faire encore place à) – la négativité qui œuvre au sein de toute performance humaine, dans notre effectivité même, dans notre « être au monde source ?»[4]
Le Mal : mot lourd chargé d’un passé sans doute millénaire philosophiquement, religieusement…et c’est peut-être présomptueux de ma part de vouloir s’y attaquer, non philosophiquement, non théologiquement, mais « cliniquement ». Et pourtant c’est du mal, de ce qui fait mal, c’est de destruction, de meurtre sans fusil, de violence en douceur dont je veux parler ou plutôt que je veux essayer de penser, continuer de penser. (Penser comme seul contraire possible au mal, penser pour le tenir à distance, penser contre le désespoir, penser pour résister à la destructivité). Face au Mal ! Le Bien. Le couple opposé Bien/Mal convoquent l’autre couple Dieu/Satan. Satan-le diable- le malin-le sheitan… Sur l’axe du Bien et du Mal, nous essayerons d’être moins binaire et non moralisateur. Nous essayerons de penser la complexité de la chose, en convoquant peut-être Gilles de Rey. (Cf. Gilles et Jeanne de Michel Fournier). À noter que le mot « malin » est à lui seul redoutable avec son double visage. D’un côté astucieux, souriant ; de l’autre une cruauté habile et dissimulée. On dit des enfants qu’ils sont malins, à la fois fierté, mais aussi qui ne jouent pas franc jeu…Comme la malice : euphémisme de la méchanceté dans sa forme enfantine et joyeuse… Le Malin/le Diable : caché, habile, cruel, destructeur. Pour Freud « Il est certain que le diable n’est rien d’autre que la personnification de la vie pulsionnelle inconsciente refoulée » (in « Caractère et érotisme anal »).
Le Mal, c’est le questionnement de Job et la recherche du sens de la vie : comment un Dieu créateur, infiniment bon, omniprésent, tout puissant peut-il tolérer, voire parfois pardonner la souffrance et l’injustice ? Mal et souffrance sont généralement associés. Le Mal, ça fait mal. Mais alors se mélangent la souffrance, la mort, d’autant plus quand elle est « injuste », violente, brutale, la malade longue douloureuse, mais aussi les persécutions, les camps de concentration…
Comment ? Pourquoi ? Scandale, pierre d’achoppement, point limite de la pensée.
Je me limiterai à un aspect plus restrient de la question du mal, dans laquelle le mal n’est pas le chagrin, ni la maladie, ni la souffrance, ni le malheur, autant d’évènements douloureux qui mettent à mal nos vies mais aussi le fantasme d’harmonie, de plénitude, de développement personnel vers plus de bonheur… Ce qui m’intéresse, de creuser, de repérer, de débusquer, c’est un au-delà de la violence manifeste, sanglante…facile à repérer, à analyser, à délimiter et dont nous avons déjà parlé, c’est une violence « calme », froide, « aseptisée », « propre », blanche… Ça croisera des questions de violence, de cruauté, de sadisme… de perversion (attention), du traumatisme (attention) mais sans s’y réduire…
Lors de la 1ère séance du séminaire « Malaise dans la Civilisation » Laure a développé plusieurs points concernant les modalités de relation entre l’individu et la société. J’en retiendrai deux. D’abord l’idée que le confinement a mis en exergue le lien entre solitude et pensée élargie (H.Arendt). Cette solitude, que la perte de monde crée, a une conséquence majeure sur la pensée : sa suspension pure et simple. Arendt rappelle que pour Kant la pensée bien qu’étant « une affaire solitaire n’est rendue possible que par les autres ». Elle s’intéresse au concept de pensée élargie. « Penserions-nous beaucoup et penserions-nous bien, si nous ne pensions pour ainsi dire en commun avec d’autres, qui nous font part de leurs pensées et auxquels nous communiquons les nôtres ? »[5] C’est ici la dimension publique, la publicité de la pensée que pointe Kant. Il ne peut y avoir de pensée critique sans publicité et donc sans espace public. Arendt cite ensuite un passage de la correspondance de Kant qui est très utile pour nous : « Vous savez que je n’aborde jamais des objections raisonnables avec la seule intention de les réfuter, mais que, en y réfléchissant, je les mêle à mes jugements et leur offre l’occasion de mettre à bas toutes mes convictions les plus chères. Je nourris l’espoir qu’en considérant ainsi, avec impartialité, mes jugements du point de vue des autres je parviendrai à un troisième aperçu qui améliorera ma perspective antérieure. » (Lettre à Marcus Herz 7 juin 1771). C’est l’idée qu’on peut « élargir sa propre pensée » en prenant en compte celle des autres. « Le penser critique n’est possible que là où les points de vue de tous les autres sont ouverts à l’examen. » Sans espace public, pas de pensée élargie, et donc pas de pensée.
Ensuite Laure a fait appel au concept d’atmosphère pour en repérer des incidences sur ce que nous vivons aujourd’hui. L’atmosphère serait la tonalité idéologique et émotionnelle d’un moment ou d’une époque. Pour Mildred Galland-Szymkowiak, c’est : « l’union d’un espace, ou plutôt d’une spatialité, et d’une tonalité affective ». Ce que Laure veut entrevoir avec le concept d’atmosphère, c’est justement cette influence de la civilisation sur les individus. « L’objectivité » de l’atmosphère me concerne immédiatement : je ne la rencontre pas sur le mode de l’extériorité mais sur celui de la résonance, que je peux ensuite, à des degrés divers selon les cas, accepter comme mienne ou non. »
Pour Laure un des points remarquables du moment est : l’aggravation de la confusion. À noter que la confusion n’est pas l’incertitude, qui est le ressort de bien des actions humaines. La confusion elle, « désoriente, paralyse, fait douter. Et fait tout accepter ». Dans un article de février 2020 paru dans le journal AOC, « Infox et confusion », Mathias Girel (philosophe et maitre de conférences à ENS) écrit : « L’infox repose sur le brouillard, sur la « déstabilisation de la perception » … La confusion peut être un puissant outil de contrôle et de démobilisation politiques, condamnant à l’hébétude (sidération) et le Oh mon dieu (dégoût, indignation…) … La multiplicité d’histoires contradictoires rend impossible l’apparition d’une véritable opposition, car elle ne peut pas forger son propre récit cohérent en réaction. Semer la confusion, jouer de la contradiction en permanence, n’hésitant pas à se contredire en permanence, complique la fédération d’oppositions faute de support stable. »
« Les moments où plus personne n’y comprend rien sont-ils de malheureux accidents, ou bien un sujet qui mérite notre plus vive attention ? » demande Girel. Quelle soit stratégique, volontaire ou due à de l’imprudence ou de l’incurie, les effets de la confusion sont les mêmes et sont préoccupants. Aldous Huxley dans les années 1930, craignait ceux qui nous donnent tellement d’information que nous serions réduits à la passivité et à l’angoisse. Au même moment Orwell craignait la privation d’information. Deux formes de manipulation. La confusion m’intéresse d’autant plus qu’elle avoisine avec certains effets possibles de la violence, peut être d’autant plus qu’elle est « propre », discrète, gentille, « souriante ». « Penser la violence nécessite de surmonter ce qui en elle attaque spécifiquement la capacité de penser et se manifestement généralement par des effets de dégoût, de fascination, de sidération, de clivage ou de fragmentation »[6]. Richard Hellbrunn s’est proposé pour intervenir lors d’une séance du séminaire.
D’où l’importance pour moi, particulièrement dans l’atmosphère actuelle, bizarre, étrange, morose pour beaucoup, de tenir un séminaire et cette séance En Corps, ensemble. L’interface de Zoom, teams, viewer ne me semble pas constituer un espace public très satisfaisant, un vague pis-aller, pratique dans certains cas, mais qui prive notamment de ce qui circule entre, du monde d’Arendt … Et l’atmosphère est lourde pour moi, d’une dimension mortifère, « pour notre bien » ; période qui me semble-t-il, actualise assez bien les propos de Lacan « …les sujets n’ont pas, de nos jours, à assumer le vécu de la haine dans ce qu’il a de plus brûlant. Et pourquoi ? Parce que nous sommes déjà très suffisamment une civilisation de la haine. Le chemin de la course à la destruction n’est-il pas vraiment très bien frayé chez nous ? …La haine s’habille dans notre discours commun de bien des prétextes, elle rencontre des rationalisations extraordinairement faciles. Peut-être est-ce cet état de floculation diffuse de la haine qui sature en nous l’appel à la destruction de l’être. Comme si l’objectivation de l’être humain dans notre civilisation correspondait exactement à ce qui, dans la structure de l’ego, est le pôle de la haine »[7]. Floculation de la haine, bien masquée par l’happycratie ou « l’impératif du bien-être »[8].
Pour moi, ce séminaire ne s’inscrit pas dans la continuité des dix années écoulées, dans la mesure où sa visée 1ère n’est pas de penser et soutenir la pratique de et à Visa-Vie, même si les interrogations étaient plus vastes. Et pourtant vous verrez assez vite que l’on va réaborder autrement encore de nombreux questionnements, déjà là dans les séminaires passés. Que ce soit la violence (1ères séances en 2009), (Visa-Vie : de la violence individuelle ou subie), les Façons de dire (prise en compte du langage performatif de la langue du management), de la résistance (journées « Résister, insister, inventer des possibles ». Il s’agit plutôt d’une nécessité subjective et d’une urgence du moment, de tenter de penser, penser pour vivre et penser ce qui conditionne nos vies aujourd’hui, individuellement et collectivement, que ça nous plaise ou non. Acte de résistance et d’insistance, un modeste dire que non….
Dans les heures noires de mon été 2020, une amie me parle d’Happycratie, et dans un mouvement d’humeur, je lui renvoie aussi sec que je ne veux pas entendre parler d’happy truc, que j’en ai marre des gens gentils et des obligations de tout poil d’être souriant, content, patient, toujours calme, de voir le bon côté des choses, un mal pour un bien… de devoir rebondir, être résilient…J’ai baigné dedans petite avec ce magnifique texte de R.Kipling que j’aimais beaucoup: « Tu seras un homme mon fils ». (Kipling précurseur de la psychologie positive ?). Quelques semaines plus tard, je m’impose quand même l’achat du livre « Happycratie »[9], comme lecture de vacances, avec Primo Levi et « La Gouvernance par les nombres » de Suppiot. Je ne le regretterai pas et vous en conseille vivement la lecture.
Dans « Malaise dans la Civilisation », paru en 1930, Freud pose la question suivante : « quels sont les desseins et les objectifs vitaux trahis par la conduite des hommes, que demandent-ils à la vie et à quoi tendent-ils ? On n’a guère de chance de se tromper en répondant : ils tendent au bonheur, les hommes veulent être heureux et le rester. Cette aspiration a deux faces, un but négatif et un but positif : d’un côté éviter la douleur et privation de joie, de l’autre rechercher de fortes jouissances. En un sens plus étroit, le terme bonheur signifie seulement que ce second but est atteint. … Ce que l’on nomme bonheur, au sens le plus strict, résulte d’une satisfaction plutôt soudaine de besoins ayant atteints une haute tension, et n’est possible de par sa nature que sous forme de phénomène épisodique. Toute persistance d’une situation qu’a fait désirer le principe de plaisir n’engendre qu’un bien être assez tiède. Nous sommes ainsi faits que le seul contraste est capable de nous dispenser une jouissance intense, alors que l’état lui-même ne nous en procure que peu. Ainsi nos facultés de bonheur sont déjà limitées par notre constitution. Il nous est beaucoup moins difficile de faire l’expérience du malheur. La souffrance nous menace de trois côtés : notre propre corps (sa caducité), le monde extérieur (la puissance écrasante de la nature) et la relation aux autres êtres humains (l’insuffisance des mesures destinées à régler les rapports des hommes entre eux, que ce soit au sein de la famille, de l’Etat ou de la société). » et Freud développe de façon passionnante, je trouve, tous les moyens pour limiter la souffrance, les « Hilfskonstruktionen » – échafaudages de secours…
Deux voies donc : limiter la souffrance, et/ou tenter de se rapprocher positivement du bonheur. Mais Freud précise : « Le bonheur est un problème d’économie libidinale individuelle. Aucun conseil ici n’est valable pour tous, chacun doit chercher par lui-même la façon dont il peut devenir heureux. Les facteurs les plus divers interviendront dans le choix des chemins à suivre ».
Dans la section 3, Freud entreprend un diagnostic étiologique : « Si nous réfléchissons au déplorable échec de nos mesures de préservation contre la souffrance, nous nous prenons à soupçonner qu’ici encore se dissimule quelque loi de la nature invincible, et qu’il s’agit cette fois-ci de notre propre constitution psychique ». Reporter la cause sur l’individu se heurte à une assertion répandue : c’est la civilisation qui est responsable de notre misère, il faudrait revenir à l’état primitif pour être plus heureux. (On peut entendre aujourd’hui des appels, issus de la gauche radicale notamment, à « vivre sans » : sans état, sans institutions, sans travail salarié, etc. La philosophie politique d’Agamben semble aussi indiquer cette direction.
« En abordant l’examen d’une telle éventualité [la cause est notre constitution psychique], nous nous heurtons à une assertion maintes fois entendue, mais surprenante ». « D’après elle, c’est ce que nous appelons notre civilisation qu’il convient de rendre responsable en grande partie de notre misère ; et de l’abandonner pour revenir à l’état primitif nous assurerait une somme bien plus grande de bonheur. »
« Le dernier, mais certes non le moindre trait caractéristique d’une civilisation, apparaît dans la manière dont elle règle les rapports des hommes entre eux. Ces rapports, dits sociaux, concernent les êtres humains envisagés soit comme voisins les uns des autres, soit comme individus appliquant leurs forces à s’entraider, soit comme objets sexuels d’autres individus, soit comme membres d’une famille ou d’un État ». « En opérant cette substitution de la puissance collective (le droit) à la force individuelle (force brute), la civilisation fait un pas décisif. Son caractère essentiel réside en ceci que les membres de la communauté limitent leurs possibilités de plaisir alors que l’individu isolé ignorait toute restriction de ce genre. Ainsi donc la prochaine exigence culturelle est celle de la « justice », soit l’assurance que l’ordre légal désormais établi ne sera jamais violé au profit d’un seul ». « La liberté individuelle n’est donc nullement un produit culturel. C’est avant toute civilisation qu’elle était la plus grande, mais aussi sans valeur le plus souvent, car l’individu n’était guère en état de la défendre. Le développement de la civilisation lui impose des restrictions, et la justice exige que ces restrictions ne soient épargnées à personne. Quand une communauté humaine sent s’agiter en elle une poussée de liberté, cela peut répondre à un mouvement de révolte contre une injustice patente, devenir ainsi favorable à un nouveau progrès culturel et demeurer compatible avec lui. Mais cela peut être aussi l’effet de la persistance d’un reste de l’individualisme indompté et former alors la base de tendances hostiles à la civilisation. La poussée de liberté se dirige de ce fait contre certaines formes ou certaines exigences culturelles, ou bien même contre la civilisation ». [cf le débat actuel sur le port du masque : atteinte indue aux libertés individuelles ou expression d’une certaine forme de justice]
« Un bon nombre de luttes au sein de l’humanité se livrent et se concentrent autour d’une tâche unique : trouver un équilibre approprié, donc de nature à assurer le bonheur de tous, entre ces revendications de l’individu et les exigences culturelles de la collectivité. »
« Cette tendance à l’agression, que nous pouvons déceler en nous-mêmes et dont nous supposons à bon droit l’existence chez autrui, constitue le facteur principal de perturbation dans nos rapports avec notre prochain ; c’est elle qui impose à la civilisation tant d’efforts. Par suite de cette hostilité primaire qui dresse les hommes les uns contre les autres, la société civilisée est constamment menacée de ruine ». « L’intérêt du travail solidaire ne suffirait pas à la maintenir : les passions instinctives sont plus fortes que les intérêts rationnels. La civilisation doit tout mettre en œuvre pour limiter l’agressivité humaine et pour en réduire les manifestations à l’aide de réactions psychiques d’ordre éthique ».
« De là, cette mobilisation de méthodes incitant les hommes à des identifications et à des relations d’amour inhibées quant au but ; de là cette restriction de la vie sexuelle ; de là aussi cet idéal imposé d’aimer son prochain comme soi-même, idéal dont la justification véritable est précisément que rien n’est plus contraire à la nature humaine primitive ».
Et Freud voit une sorte d’impasse. En effet, « Tous les efforts fournis en son nom par la civilisation n’ont guère abouti jusqu’à présent ». « Elle croit pouvoir prévenir les excès les plus grossiers de la force brutale en se réservant le droit d’en user elle-même envers les criminels, mais la loi ne peut atteindre les manifestations plus prudentes et plus subtiles de l’agressivité humaine. Chacun de nous en arrive à ne plus voir que des illusions dans les espérances mises pendant sa jeunesse en ses semblables, et comme telles à les abandonner ; chacun de nous peut éprouver combien la malveillance de son prochain lui rend la vie pénible et douloureuse ».
« Il est toujours possible d’unir les uns aux autres par les liens de l’amour une plus grande masse d’hommes, à la seule condition qu’il en reste d’autres en dehors d’elle pour recevoir les coups ». [on voit ce que ça donne en plein d’endroits du globe].
« Si la civilisation impose d’aussi lourds sacrifices, non seulement à la sexualité mais encore à l’agressivité, nous comprenons mieux qu’il soit si difficile à l’homme d’y trouver son bonheur. (…) L’homme civilisé a fait l’échange d’une part de bonheur possible contre une part de sécurité. »
Qu’attendre alors ? « C’est notre droit d’espérer de la civilisation des changements susceptibles de satisfaire mieux à nos besoins », mais « nous nous familiariserons peut-être avec cette idée que certaines difficultés existantes sont intimement liées à son essence et ne sauraient céder à aucune tentative de réforme ».
Section 6 : entre en scène l’élément le plus innovant du texte c’est-à-dire la pulsion de mort. Freud procède à un historique du dualisme pulsionnel, Éros et Thanatos. L’hypothèse de l’instinct de mort ou de destruction s’impose à cause de « l’ubiquité de l’agression et de la destruction non érotisées ». « Il est vrai que ceux qui préfèrent les contes de fées font la sourde oreille quand on leur parle de la tendance native de l’homme à la « méchanceté », à l’agression, à la destruction, et donc aussi à la cruauté. »
Dans leur livre « Happycratie », Edgar Canbans et Eva Illouz, écrivent : « Pour les pères fondateurs de la psychologie positive (dans les années 90), le bonheur, se construirait, s’enseignerait, s’apprendrait. Ce champ de recherche de la psychologie positive offre, selon les fondateurs « une occasion historique de créer un véritable monument scientifique, une science se fixant pour tâche première la compréhension de ce qui fait que la vie mérite d’être vécue » ». (Exit la libido individuelle !). Les financements sont tombés par millions de dollars, venant d’instituts ou fondations privés ou publics (dont les grandes marques comme Coca…). En 2004 sort un « manuel de santé mentale », pendant positif au DSM. « Ce manuel est consacré à tout ce qui est positif dans l’être humain et tout particulièrement aux traits de caractère qui en vertu de leur force, permettent de mener une bonne vie. Nous suivons l’exemple du DSM à la différence près, cruciale, que nous nous intéressons à la santé psychologique et non à la maladie ».[10] « Il s’agit de développer des thérapies visant à aider le client à mieux travailler, à devenir une meilleure personne, ou à mener une vie meilleure » (selon les critères scientifiques prédéfinis).
Dans la séance sur les affects chez Spinoza[11] nous avions évoqué les compétences émotionnelles, et le happiness manager. Le Happiness Manager ou Chief Happiness Officer, est une personne en charge du « bonheur » des autres. Il peut s’occuper des salariés de l’entreprise, mais également de contractuels ou même de la clientèle. Happiness Manager peut s’apparenter au rôle d’un DRH, mais dans une dimension plus moderne et plus créative.
Des liens seront à faire avec un petit livre très intéressant : « Libres d’obéir, le management du nazisme à aujourd’hui. »[12] p 25
Bien être : Être bien, une bonne ou une meilleure personne. Bonheur comme norme, comme signe de normalité. Dans quelle mesure cette course au bonheur, codifié, aseptisé, voire imposé … est-elle encore du côté de la pulsion de vie ? Où est l’éros dans tout ça ? Pour Etienne Klein, l’impératif de bien être, (de la joie, du rebondissement, de la résilience) détruit le collectif et l’idée de progrès qui pousse à sacrifier son souci personnel d’aujourd’hui pour un mieux collectif ultérieur. Le progrès n’est pas l’innovation permanente. C’est l’effacement de la négativité à tous les niveaux. C’est un des points importants développé par Barbara Stiegler dans son livre : « Il faut s’adapter : sur un nouvel impératif politique »[13]. Elle évoque Nietzsche comme étant le philosophe du négatif…on pourra aller voir de ce côté-là aussi. Si comme l’écrit Freud les hommes tendent au bonheur, veulent être heureux et le rester, le « vrai bonheur » estampillé scientifiquement est devenu une marchandise – on pourrait dire de luxe. Et un moyen de biopolitique et de contrôle des populations. L’idée n’est pas neuve.
Un documentaire de Arte que m’a signalé Michel, sur Orwell et Huxley raconte l’histoire croisée de George Orwell et d’Aldous Huxley, les auteurs des deux grands romans d’anticipation : « 1984 » et « Le meilleur des mondes ». Écrits il y a plus de 70 ans, ces deux romans trouvent un écho extraordinaire dans nos sociétés d’aujourd’hui : faits alternatifs, fakes news, ultra-surveillance… Orwell et Huxley semblent avoir imaginé toutes les dérives de nos sociétés démocratiques. Quand Le meilleur des mondes annonce une aliénation consentie au travers d’une civilisation hédoniste, consumériste et eugéniste dans une Londres futuriste, 1984 dénonce la surveillance systématisée d’un régime totalitaire, sous l’œil terrifiant − et faussement rassurant − de « Big Brother ».
Huxley, c’est l’idée d’une société qui nous conditionne par le plaisir. Il redoute une dictature scientiste qui, en s’appuyant sur les biotechnologies, et la production et consommation de masse, asservirait des individus programmés. Les gens sont heureux, ils obtiennent ce qu’ils veulent et ils ne veulent jamais ce qu’ils ne peuvent obtenir. Ils sont à l’aise, en sécurité, conditionnés de telle sorte qu’ils ne peuvent s’empêcher de se conduire comme ils doivent. Une société du plaisir est une société dont il est difficile de s’échapper. Comment être contre le plaisir ? (Comment être contre les bonnes pratiques ? Comment être contre la sécurité sanitaire ? …). Sous l’apparente libéralisation des mœurs se cache un conformisme de masse, et une illusion de liberté, qui rendent même impossible la possibilité de conscientiser la servitude volontaire. Pour Huxley, « la manipulation des enfants, et l’hypnose sous narcotiques sont plus efficaces comme moyens de gouvernance que les matraques et les prisons. La société de pouvoir peut-être tout aussi satisfaite en suggérant au peuple d’aimer sa servitude, plutôt qu’en le frappant pour qu’il obéisse. » La dystopie d’Orwell est autre. Il imagine un État bureaucratique et répressif qui confisquerait la liberté de penser et la mémoire. Dans ce monde de contrôle qui fabrique l’obéissance par la peur, personne ne voit rien, ne dit rien n’entend rien. L’amour seul est moteur de révolte et de dissidence.
En confrontant les versions du « monde d’après » d’Aldous Huxley et de George Orwell, comme les itinéraires respectifs des deux écrivains, ce documentaire montre combien leurs œuvres visionnaires, qui ont en commun la manipulation du langage (effacement de la négativité par la manipulation de la langue/ chez Orwell : l’esclavage c’est la liberté. Licenciement collectif/Plan social ou plan de restructuration…cf. Novlangue) et la falsification de l’histoire, rencontrent les enjeux glaçants du monde contemporain, sorte de monstre hybride à la croisée de leurs romans. Éclairée par les analyses de critiques, il constitue une relecture opportune, au temps de la surconsommation, des caméras à reconnaissance faciale, des réseaux sociaux ou encore des éructations de Donald Trump qui martèle : « Ce que vous voyez et lisez n’est pas la vérité. » Aujourd’hui, nous avons des sociétés de plus en plus hybrides dont la Chine est le prototype, alliant surveillance de masse et société high tech, régime totalitaire et paradis consumériste. Ce n’est plus tant Big Brother, que des little brothers, avec les nouvelles technologies de contrôle, la reconnaissance faciale (on ne peut pas passer plus de 7mn sans apparaitre sur une caméra) et le crédit social.
Pour revenir à la question du Mal. Dans un texte de 1988, « Pourquoi le mal ? »[14], André Green répond : le mal est sans pourquoi. « Dire le mal sans pourquoi, c’est affirmer une déliaison intégrale, et donc un non-sens total, force pure ». Le Mal est sans pourquoi : « Hier ist kein Warum ! » que Primo Levi entendit à son arrivée à Auschwitz. Landzmann écrit : « Pourquoi les Juifs ont-t- ils été tués ? (…) Il y a une obscénité absolue au projet de comprendre ». Il s’est arc-bouté à ce refus comme l’unique attitude possible, éthique et opératoire à la fois, durant toute l’élaboration et réalisation du film « Shoah ». « Pas de pourquoi, mais pas non plus de réponse au pourquoi du refus de pourquoi, sous peine de se réinscrire dans l’obscénité à l’instant énoncé ». Richard Hellbrun, écrit à propos du refus de Landzmann de recourir à une cause extérieure : « Toute recherche de justification ne saurait se ranger ailleurs que dans le déni, et toute ouverture à une cause extérieure ne ferait que témoigner de ce que nous ne supportons pas d’entendre du côté du mal ».
Il s’agira d’abord de tenir contre ce qui pousse à détourner le regard, de s’attarder à essayer de penser ou border l’impensable, sans chercher toutefois à trop le circonscrire, le comprendre, l’expliquer. Accepter ce reste qui ne peut qu’échapper à toute saisie. Comme le Réel. Mais sans rester médusés, sidérés non plus et donc en essayant de penser autant que faire se peut. Accepter la part d’irreprésentable, d’indicible du sujet même, ne pas le faire rentrer dans des découpes cliniques préétablies, qui passerait à côté de l’essentiel en nous ramenant dans un monde familier. On retrouve là la « philosophie » des 1ères séances de séminaire[15]… les IN des innocents : « nous zonons dans des zones indexées du préfixe in, dans sa valeur de négation, qui marque également l’absence, le contraire : inimaginable, inconcevable, impensable, innommable, indicible… », et le Ni Ni « ce n’est pas ça…ça échappe » comme condition pour ne pas refermer trop vite la question ni comprendre trop vite. « Nous pouvons dire ce que ce n’est pas : -nous n’avons pas affaire au refoulement, aux formations de l’inconscient, -parfois nous n’avons pas affaire au moi ; pas de je, pas d’Otre (a/A) …-absence de désir qui n’est pas dépression ; -proximité avec la mélancolie mais sans perte de l’objet- car l’objet ne s’est pas constitué (…) Mais dire ou affirmer des choses « positivement » s’avère bien plus délicat tant, bien souvent nous ne savons pas à quoi nous avons affaire. Sauf à chercher à tout faire rentrer à tout prix dans les théories existantes, et rabattre ce qui émergent comme problématiques nouvelles à du déjà connu. Mais ce n’est pas notre option ».
Pour André Green dans l’article précité « Pourquoi le mal ? » : … « le méchant est non pas celui qui fait le mal, mais qui aime le mal. Tout le monde fait le mal, mais certains l’aiment. Mais aimer le mal, qu’est-ce que c’est ? Est-ce jouir de la souffrance d’autrui ? Sans doute et c’est le cas le plus banal. Mais il y a un amour du mal beaucoup plus radical, bien plus impersonnel ». Il y a un au-delà du sadisme, forme la plus évidente du mal, pouvant fonctionner comme écran pour masquer une dimension plus radicale. « Aimer le mal sans remords se fonde sur la certitude d’assurer le triomphe définitif du Bien » (la race chez les nazis, la vraie religion pour le vrai dieu…le progrès pour tous…) « Le mal qui se glisse dans les efforts pour promouvoir le bien – (je rajoute le progrès, la sécurité (sanitaire, terroriste et maintenant globale, le bonheur) – demeure inconscient et traverse les opérations violentes qui prétendent conduire à son éradication »[16] Le Mal pour assoir le Bien, le Mal pour ton bien !
Dans un roman qui vient de paraître : « Je suis la Bête », de Andréa Donaeran[17], on peut lire : « Avant de partir ton père a ajouté : Bien sûr, tu peux aussi utiliser le couteau pour te tailler les veines, personnes ne pleurera. Et puis il a ri franchement, en me donnant une caresse. Alors j’ai vu- vraiment- la bête dans cette caresse…. Et je ne peux m’empêcher de penser, avec horreur et terreur, à toutes les caresses que tu as reçues de lui » (p.29). Et plus loin : « Mimi (la bête) sourit, de son sourire le plus calme, il dit séraphique… » (p.33). Ce sont ces caresses, ces rires francs, ces sourires séraphiques – si sympathiques et pourtant source de terreur et d’horreur- qui m’intéressent et que je vous propose pour cette année au moins, de repérer, débusquer, penser. À noter que le Mal, c’est La Bête… ceci rejoint toutes les figures mythiques, religieuses qui présente le diable comme un hybride (cornu…) comme un monstre. Comme si l’homme, peut être seule espèce vivante confrontée à cette dimension, devait projeter dans une autre espèce, animale, sa part si humaine d’inhumanité. La localisation du mal à l’extérieur de soi est un mécanisme agressif et/ou défensif : agressif de par la désignation du bouc émissaire, détermination qui laisse le reste exempt de tout questionnement. Défensif en même temps car la figure d’un ennemi bien défini permet de se recomposer alors que le mal apparait plutôt comme diffus, circulant. « Il n’est pas là ou là, où on s’empresse de le localiser. Il est un frisson de négativité, un souffle de mort, constitutif des situations humaines… C’est une tentative désespérée pour transformer de façon discursive le réel opaque de mal en réalité symbolisable, c’est-à-dire non immédiate, mortifère pour l’âme puis souvent le corps[18]. »
Pour Eliette Abécassis « Devant le mal, il n’y a pas d’attitude neutre ou indifférente. Le spectacle du mal est gros de la relation qui s’effectue entre le mal commis et le sujet qui le perçoit, et dans laquelle il n’y a pas de place pour l’innocence » « Être témoin du mal, être le contemporain du mal, c’est participer au mal effectué ». Malheureusement nous ne pouvons-nous prétendre étranger à la question du mal. En le regardant, il me rentre dedans. En choisissant de ne pas y penser, nous portons une part de responsabilité de là où l’on démissionne. Mais si l’homme est la seule espèce animale confrontée à la question du Mal, il conviendrait de rechercher aussi dans les propriétés qui lui sont propres ce qui autorise, génère cela. Sa néoténie ? Sa prise dans le langage et le devoir d’en passer par la représentation ? Sa position debout qui libère les deux mains pour prendre, attraper…Mouvement vitaliste d’avancer, au besoin en écrasant les autres (guerres, bousculades quand danger…) Par-delà l’agressivité et la violence, par-delà la haine et la frérocité, par de là la cruauté ? … Là le mal ne blesse pas mais vise à détruire, Le Mal comme force de destructivité absolue. Le mal n’est pas souffrance, puisque dans la souffrance, on supporte. Du latin populaire * sufferīre, altération du latin classique sufferre (« supporter, endurer ») de fero (« porter ») avec le préfixe sub- (« sous »). « Mais il relève de la douleur absolue, de l’épreuve insupportable, sans visage, sans localisation, fluide et ravageur, comme la tornade (non annoncée) qui ne laisse après elle que décombres et désolation »
Pour Pringent, quand le Mal frappe, c’est l’Humain qui est atteint. Ce sont ses capacités à penser, à rêver, à vivre sans horreur … qui sont détruites ou longuement sidérés, pétrifiées… Il est à chercher non pas dans le chagrin, les douleurs, les soucis, mais dans ses effets sur l’humain qu’il sidère et détruit. « Si le Mal me traverse, c’est une pensée gelée, glacée, figée qui me tient lieu d’existence. [19]» On n’est pas loin de la tête de la Méduse. Nous allons donc naviguer dans ce « nouveau » séminaire sur l’axe du bien et mal, entre clinique singulière et interrogations sociales ou sociétales, avec notamment la question du mal (de la destruction, de la violence) dans les institutions… Et notre rapport dans tout ça ? Eichmann et la banalité du mal. Il faisait juste son travail….
[2] A.Green, « Le travail du négatif », éd de minuit,1993
[3] Effacement de la négativité, culture de la coïncidence : perspectives psychanalytique, littéraire et théologique (erudit.org)
[4] B. Mathot, op cité
[5] E.Kant, « Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée ? », 1786
[6] R. Hellbrunn, op cité
[7] J.Lacan, Séminaire Les Écrits Techniques de Freud, séance du 7 juillet 1954.
[8] cf l’article très intéressant de Geneviève Rail La violence de l’impératif du bien-être. Bio-Autres, missions de sauvetage et justice sociale | Cairn.info
[9]Edgar Canbans et Eva Illouz, « Happycratie, comment l’industrie du bonheur à pris le contrôle de nos vies, éd. Première Parallèle, 2018
[10] E.Cabans, E. Illouz, op cité
[11] Dé(s) – AFFECTIONS – Visa-Vie
[12] J. Chapoutot, « Libres d’Obéir, éd. NRF Essais, 2020
[13] B. Stiegler, « « Il faut s’adapter » : Sur un nouvel impératif politique », éd. Gallimard, 2019
[14] A.Green, « Pourquoi le Mal », dans « La folie privée, psychanalyse des cas limites », éd Gallimard 1990
[15] À lire sur le site de Visa-Vie
[16] R. Hellbrunn, op cité
[17] A.Donaeran, « Je suis la Bête », éd Cambou, 2020
[18] Y. Prigent, « La cruauté ordinaire », éd. Desclée de Brouwer, 2003
[19] Y. Pringent, op cité