Texte de Lacan écrit en 1958 et qui est paru en 1992.
Il m’a fallu le lire à plusieurs reprises. Appeler à l’aide me disant que face à un article de Lacan je ne faisais pas le poids. Dans son article, il évoque la psychanalyse authentique, je ne sais pas ce que c’est, du coup je suis allée regarder un documentaire d’Arte sur l’histoire de la psychanalyse me disant que pour percevoir l’authenticité de la psychanalyse, il me fallait revenir aux fondamentaux. Une fois regardé, en faisant plein d’arrêts sur image pour prendre des notes, je ne me suis pas sentie plus avancée pour la compréhension de l’article.
En fait, la psychanalyse la vraie, la fausse faisait écho à des cases dans lesquelles il fallait ranger ce qui est de la psychanalyse et ce qui n’en est pas. La question que je croyais entendre dans la proposition de Sonia et des attendus de la lecture ou exposé de ce texte était, à l’heure d’aujourd’hui, tout est psychanalyse tel un fourre-tout, alors qu’est-ce que la psychanalyse ? Lire un texte de 1958 qui fait la critique de certaines formes de la psychanalyse et le mettre en dialectique avec notre époque… Tant de questions à ouvrir et, par où commencer ? Michel m’est venu en aide pour comprendre ce qui se jouait à l’époque où Lacan exposait sa pensée par ce texte. Grâce à ses éclairages, j’ai compris que Lacan remet en cause à son époque, des modalités de la cure dans sa codification (temps de séances, etc…), ainsi il critique la psychanalyse post-freudienne qui instaure une lecture basée sur le témoignage des affects et du contre-transfert. Voici ce qui me semble avoir compris de ce qu’est la psychanalyse pour Lacan.
Pour Lacan, la psychanalyse est une recherche de vérité. Mais qu’est-ce que la vérité pour Lacan ? Je crois comprendre que la Vérité est avant tout singulière. Elle n’est pas une Vérité universelle. La vérité ou la recherche de vérité est celle du sujet lui-même. La psychanalyse est avant toute chose basée sur le rapport qu’a l’homme à la parole et au langage à travers l’inconscient. Il y a ce que l’on dit et ce que l’on vient dire en le disant. Ce qui échappe au sens premier des mots, la symbolique de ces derniers dans ce que l’on vient raconter, affirmer. Lacan souligne la nécessité d’écouter ce qui ne se dit pas mais qui parle malgré le sujet. Écouter l’autre qui parle et aider le sujet à l’entendre également. La Vérité dévoile et cache à la fois, elle met en lumière le Réel du sujet.
Ce Réel a une structure fiction, en effet, ce Réel donne à voir la représentation inconsciente qu’a le sujet du monde et peut-être son inscription dans celui-ci. Le sujet se raconte mais entend-t-il cet Autre qui parle en lui, qui parle de lui ? « La psychanalyse permettrait de révéler un ordre effectif dans des faits jusqu’alors restés inexplicables, à vrai dire apparition de faits nouveaux. » Parle-t-il de la possibilité de mettre du lien ? De créer du sens ? De se raconter une histoire ? D’accéder à un récit ? De se construire un Réel différent à travers une nouvelle place que l’on pourrait prendre en écoutant cet Autre qui parle lorsque le sujet s’exprime ? Cette quête de Vérité serait-elle sans fin puisque cet Autre reste étranger même si l’on parvient davantage à le côtoyer et qu’il permet des remaniements ?
Ainsi, cet Autre est le lieu du langage, le lieu de l’inconscient. D’où le sujet parle ? Lorsqu’il parle, il est dans son discours, plus qu’il ne le représente. La capture imaginaire du sujet dans le discours de l’Autre serait alors sa cartographie, les repères dont il dispose pour se mouvoir psychiquement dans le monde. Pour en comprendre les coordonnées, il y a lieu d’entendre dans l’imaginaire, c’est-à-dire la façon dont le sujet se raconte, dont il se représente lui-même et les autres dans son discours, les symboles qui s’en dégagent. C’est comme si, par le discours du sujet, on pouvait entendre des choses signifiantes, c’est-à-dire qui le déterminent, mais qui ne sont pas significativement énoncées. La manière dont le sujet est affilié à son système de fonctionnement inconscient. Je crois comprendre que Lacan fait la critique que le Moi soit analysé par le biais de la psychologie collective. Une orthopédie, soit un squelette ou une organisation psychique figée ne ferait que renforcer les défenses et les symptômes du sujet.
Il semble que Lacan par l’étude qu’il a faite, avec le concours de groupes de travail, de l’œuvre de Freud s’insurge des mauvaises traductions qui ont été faites de ses textes et qui ne permettent pas de saisir avec finesse ce que Freud a cherché à exposer par ses travaux. Lacan critique que la psychanalyse soit utilisée dans un but correctif.
Pour lui, il y a à questionner le rapport qu’a le sujet aux signifiants qu’il laisse entendre. Comment le sujet se situe par rapport aux signaux codés qu’il émet ? A qui, à quoi s’identifie-t-il ? Cette compréhension permet de saisir, ou du moins d’essayer, la corrélation qu’il y a entre le principe de réalité et le principe de plaisir. Le principe de réalité serait ce qui se passe dans l’effectif, le sujet pourrait s’en plaindre par exemple mais y trouver, inconsciemment du plaisir. Un bénéfice secondaire qui le conforterait, peut-être, dans la manière dont il s’est identifié inconsciemment. Le langage permet d’entendre cet écart, ce décalage, et permet une mise en question. Cette mise en question ne fait pourtant pas office de vérité absolue. Elle peut amener le sujet s’il y est confronté brutalement à faire davantage preuve de résistance jusqu’à faire disparaître le symptôme et enlever au sujet la possibilité d’exprimer sa souffrance. Le langage semble être la voie de l’inconscient, il est à distinguer de la parole. Aussi, le désir du sujet peut être articulé dans le langage et même lorsqu’il est dit dans les mots, il ne se dit pas, il est autre, il est ailleurs. Lacan dénonce l’ordre naturel, il dénonce toutes explications ou ordre universel, la lecture du sujet ne peut se faire qu’à partir du sujet lui-même. Alors qu’est-ce que la psychanalyse ? Et qu’est ce qui ne l’est pas ?
Aujourd’hui, pour moi, la psychanalyse n’est pas le lieu de la normalisation, elle n’est pas au service de l’ordre social, elle ne cherche pas à étiqueter les personnes, ni à les faire entrer dans les rangs. Elle n’est pas conformiste. Elle est le lieu d’écoute d’une souffrance dont elle cherche à comprendre la cause tout en sachant que c’est la personne elle-même qui en détient le savoir. Cette souffrance peut-être le lieu d’empêchement à l’émergence du sujet, c’est-à-dire du sujet désirant. La psychanalyse est le lieu de la finesse, de la dentelle où chaque pièce est faite main. En y regardant de plus près on peut apercevoir les moments où l’ouvrage a été posé puis repris, dans quoi il a baigné, s’il y a quelques accros. Et, parce que cette réalisation est regardée par un autre alors l’artisan se penche sur sa production et peut l’apercevoir différemment. La psychanalyse n’est pas prise dans une cadence productiviste, elle se situe à l’endroit de l’artisanat où le temps et l’histoire sont des composantes uniques du caractère de la création.
La psychanalyse est une triangulation où il y a un analyste, un analysé présent avec son Autre. Elle est une quête d’écoute du sujet, d’une rencontre entre le sujet lui-même et cet Autre par l’écoute de l’inconscient. La psychanalyse est une expérience autant universelle car accessible à un grand nombre mais si singulière car chaque sujet expérimente ses effets à son endroit, il la vit à travers lui. La psychanalyse est l’endroit de la recherche, de la mise en question plus que de la trouvaille de réponse. La psychanalyse est mouvement. Elle est le lieu de la quête de la liberté du sujet par la recherche de l’affranchissement de ce dernier de la scène ou la place archaïque à laquelle il a été mis, dans laquelle il a été pris malgré lui.
Comment la psychanalyse peut prendre place à l’endroit du travail social lorsque celui-ci est, de fait, un contrôle social, une tentative de normalisation des personnes afin de les faire entrer dans un système bien défini ? Aussi, la psychanalyse ou la référence à la psychanalyse dans le travail éducatif et social ne serait-il pas le lieu de la résistance ? La référence à la psychanalyse ne se trouverait-elle pas dans la manière d’habiter et de faire vivre nos fonctions ? De faire place à l’autre au-delà des attendus premiers de nos missions ? De tenter de faire place à cet autre en la personne que nous côtoyons ? Le travailleur social pourrait-il être celui qui va à la rencontre d’une personne qui ne formule pas encore de demande, qui n’entend pas les balbutiements de cet Autre, qui se voit obliger d’en passer par l’agir ? N’accédant que peu ou pas à la parole, à sa parole, celle de sa subjectivité. Celle qui lui permet de faire des choix.
Les termes psychanalytiques dans le travail social sont souvent galvaudés, nous le voyons dans les écrits qui circulent, dans les discours tenus, utilisés pour nommer les dysfonctionnements des personnes et les caractériser. Or, la psychanalyse est tout autre, son déploiement se fait dans une ouverture où le sujet, peu importe où il en est, s’il le veut, même un tout petit peu, peut prendre place, il y a suffisamment d’espace, hors case, pour l’accueillir. Malgré tout ce que je raconte, je crois que la psychanalyse ne se définit pas, elle est une tonne de questions qui appelle d’autres tonnes de questions où, l’inconscient, le regard d’un tiers et l’écart qui permet la mise en question semblent fondamentaux.