Par rapport aux dernières séances du séminaire, je vous propose de faire un retour en arrière de près d’un siècle, jusqu’en 1930, pour parler du « Malaise dans la culture.[1] » Cette année-là a vu la mort de la mère de Freud, ainsi que sa nomination pour le prix Goethe, une consécration pour la qualité littéraire de son écriture.[2] Quant au contexte politique, l’époque était assombrie par une crise des démocraties sans précédent. Une poigne de fer serrait l’Europe : le régime fasciste de Mussolini à Rome, le goulag de Staline en Russie, et l’irrésistible ascension de Hitler à Berlin. La conjoncture avait de quoi nourrir le pessimisme de Freud, déjà durement éprouvé par les souffrances dues à son cancer de la mâchoire, avec les nombreuses opérations et remplacements de sa prothèse. Pour autant, on aurait tort à voir le « Malaise » comme un écrit de circonstance : au contraire, il poursuit comme nous le verrons la recherche psychanalytique, par une exploration significative du sentiment de culpabilité et de ses effets sur l’individu et la société.
Dans cet exposé, nous aborderons successivement : 1) D’abord, la détresse originelle de l’être humain, socle des motifs moraux ; 2) Ensuite, le pas décisif d’avènement de la culture, avec le parallèle freudien entre l’individuel et le collectif, et enfin 3) la formation du Surmoi et le fonctionnement paradoxal du sentiment de culpabilité.
Au départ, la dépendance On est surpris de constater que Freud a donné de ce travail une image légère de divertissement, écrit pendant ses vacances d’été à la station de Schneewinkl en Bavière, près de Berchtesgaden, qui allait devenir peu après le sinistre « nid d’aigle » du Führer. Voici ce qu’il écrivait à Lou Andreas-Salomé le 28 juillet 1929 : « Très chère Lou… ce livre traite de la culture, du sentiment de culpabilité, du bonheur et d’autres choses élevées du même genre et me semble, assurément à juste titre, tout à fait superflu quand je le compare à mes travaux précédents qui procédaient toujours de quelque nécessité intérieure. Mais que pouvais-je faire d’autre ? Il n’est pas possible de fumer et de jouer aux cartes toute la journée. Je ne peux plus faire de longues marches et la plupart des choses qu’on lit ont cessé de m’intéresser. J’écris et le temps passe ainsi très agréablement.[3] » Et on est d’autant plus surpris que ce ton de badinage ironique, inhabituel sous la plume de Freud, revient dans le livre, et en plus vers la fin : « Dans aucun autre travail que celui-ci je n’ai eu la si forte impression d’exposer des choses que tout le monde connaît, de mobiliser du papier et de l’encre, et par suite le travail du typographe et de l’imprimeur, pour raconter des choses en fait évidentes.[4] » Un certain sentiment d’impuissance, de déclin, accompagne l’écriture et n’est pas étranger à son contenu.
L’ouvrage commence par la réponse de Freud à une assertion de Romain Rolland, qui faisait du « sentiment océanique » (être un avec le Tout cosmique), l’origine de la religion. Or ce sentiment correspond plutôt, aux yeux Freud, à la résurgence, dans la vie d’adulte, d’un trait primaire du moi : le « narcissisme illimité »[5], lorsque la frontière entre le moi et le monde environnant n’est pas encore reconnue comme telle. Une image aussi éloquente qu’impossible vient illustrer ce fait : « l’hypothèse fantastique. » Freud nous invite à imaginer la ville éternelle, Rome, comme elle apparaitrait devant nous avec tous ses monuments à la fois, conservés intacts, même s’ils proviennent de différentes époques de son histoire, voire occupant le même emplacement. C’est de la même manière, irreprésentable visuellement, à ses dires, que les contenus psychiques sont conservés dans le psychisme. Le primitif se maintient aux côtés du plus tardif à travers « une scission dans le développement[6] » : une quantité d’un mouvement pulsionnel se conserve inchangée, alors qu’une autre continue à se développer. Placée dès l’ouverture du « Malaise », cette figuration nous prévient d’emblée, contre toute théorie de développement par stades successifs séparés : « Rien dans la vie de l’âme ne peut disparaître de ce qui s’y est une fois formé, (et) à l’occasion d’une régression suffisamment importante, cela peut être ramené au jour.[7] » Nous verrons plus loin le rôle de cette figuration dans ce texte.
Le narcissisme illimité du nourrisson, cette « réponse psychique à l’illimité de la détresse infantile[8] », contient déjà les germes de la haine : pour ce premier « moi-plaisir », formé par le rejet hors de lui de toute source de déplaisir, l’objet est par principe haïssable. C’est cette « dépendance infantile et le désir du père qu’elle éveille », qui sont pour Freud à l’origine de la religion. Il reprend donc le fil de sa réflexion là où il l’avait laissé avec l’Avenir d’une illusion, trois ans auparavant (1927), son état de santé l’ayant empêché entre temps de poursuivre. Il y était question de l’angoisse de l’être humain et de l’illusion qu’un père tout puissant pouvait lui assurer la protection. Comme nous l’a rappelé Philippe Koeppel lors d’une Journée du Séminaire à Bionville il y a deux ans, on trouve une première trace de cette idée dans l’ « Esquisse » (1895), où nous lisons que : « l’état de détresse initial de l’être humain est la source originelle de tous les motifs moraux.[9] » Cette dépendance infantile est prolongée dans la vie d’adulte « en raison de la peur éprouvée face à la puissance supérieure du destin.[10] », ajoute Freud ici : confrontés aux douleurs, aux déceptions, aux tâches insurmontables que la vie met devant nous, nous avons recours à des palliatifs de toutes sortes : diversions, satisfactions de substitution, stupéfiants. La science et l’art en font partie, mais de tous ces moyens de fuite, « seule la religion sait répondre à la question d’une finalité de la vie ». Or sa réponse aussi est insuffisante pour la plupart des humains qui : « aspirent au bonheur, veulent devenir heureux et le rester.[11] »
Du coup, poursuit le texte : « C’est le programme du principe de plaisir qui pose la finalité de la vie » : il s’agit d’éviter le déplaisir et gouter aux plaisirs de l’existence. Programme à son tour inaccessible, car tout s’y oppose et lui résiste. Le bonheur n’est qu’épisodique : un contraste, plutôt qu’un état. En revanche : « Il y a moins de difficulté à éprouver le malheur », qui trouve sa source dans les forces indomptables de la nature, la décrépitude inexorable de notre corps et les rapports avec les autres individus de notre espèce. Lorsque la tâche d’éviter la souffrance a refoulé à l’arrière-plan celle de gagner du plaisir,[12] le principe de réalité, plus modeste, prend le relais. Son programme : éviter la souffrance, a été invariablement l’apanage des différentes écoles de sagesse, et on pourrait tenter de les identifier à travers les moyens que chacune a proposé pour y parvenir : la solitude volontaire des anachorètes, le prudent retrait des stoïciens, l’austère hédonisme épicurien, le conservatisme sceptique, l’indifférence cynique. Les stupéfiants, « briseurs de souci », ont trouvé une place de choix chez certains mystiques, la maîtrise des pulsions fut l’idéal du monde antique, la sublimation apporta la « douce narcose » de l’art. De son côté, l’état amoureux associe bonheur positif et culte de la beauté, mais expose à la vulnérabilité, à l’impuissance, face à la perte de l’objet aimé. Enfin, la psychose : le délire est à l’individu ce que la religion est aux masses : « A travers la fixation violente d’un infantilisme psychique et l’intégration d’un délire de masse, la religion parvient à épargner à un grand nombre d’hommes la névrose individuelle[13] », conclut notre auteur.
Ces diverses formes de fuite devant le réel sont autant de réponses face aux sources de notre souffrance. Je répète : la puissance écrasante de la nature, la finitude de notre corps et l’insuffisance des règles qui régissent nos relations à l’autre au sein de la famille et la société. Bon an mal an, nous finissons par nous résigner aux deux premières, mais la troisième nous paraît injustifiée, car elle dépend de nous. Les formidables progrès technologiques n’y changent rien. Freud s’amuse à donner une longue liste de ces progrès, à travers lesquels « l’homme perfectionne ses organes » et dépasse ses limites. Ainsi, les moteurs, les bateaux et l’avion renforcent son mouvement ; les lunettes corrigent sa vue ; le télescope et le microscope étendent le visible ; l’appareil photographique et le gramophone fixent les images et les sons fugitifs ; le téléphone réduit les distances ; l’écriture devient le « langage de l’absent » ; la maison, un « substitut du corps maternel. » Tous ces progrès, dont on pourrait aujourd’hui rallonger encore la liste, réalisent des souhaits tels que même dans les contes on n’aurait osé imaginer, encore moins espérer. Seuls les dieux étaient dotés de telles capacités, or à présent l’homme est devenu une sorte de « dieu prothétique, ironise Freud, vraiment grandiose lorsqu’il revêt tous ses organes auxiliaires.[14] » Et pourtant il ne s’y sent pas heureux. Comment comprendre cette contradiction ?
Le pas culturel décisif Elle a ses racines dans le fait que : « L’élément culturel est donné dans la première tentative de régler les relations sociales », en établissant le pouvoir de la communauté aux dépens de celui de l’individu, jugé comme arbitraire, et condamné comme violence brute. Voilà donc pour Freud « le pas culturel décisif[15] » : les membres de la communauté se restreignent dans leurs possibilités de satisfaction, et contribuent par des sacrifices pulsionnels individuels à « troquer une part de possibilité de bonheur contre une part de sécurité[16]. » La survie de l’espèce se fait aux dépens de l’individu. On reconnaît les thèses de Hobbes ou de Schopenhauer, que Freud prolonge : « la liberté individuelle n’est pas un bien de la culture[17] », étant donné qu’elle repose sur le renoncement pulsionnel individuel. Nous trouvons un premier germe de cette idée dans la lettre à Fliess du 31 mai 1897 : « l’inceste est antisocial – la culture est le résultat de ce renoncement progressif.[18] » Donc : « cette ¢frustration culturelle¢ est la cause de l’hostilité contre laquelle ont à lutter toutes les cultures.[19] » Si l’homme contemporain méprise les progrès technologiques, alors même qu’il s’en sert à satiété, jusqu’à en être de plus en plus dépendant, c’est parce qu’il est toujours attiré par le rêve d’une vie simple, limitée en besoins et heureuse, comme celle des peuples dits primitifs, voire même des animaux idéalisés sans limite.
Comment alors un processus tel que la culture, qui exige des sacrifices sans apporter le bonheur, a-t-il pu naître, quelle en est l’origine ? Si l’homme en société est fondamentalement malheureux, il n’reste pas moins que la culture est notre œuvre et dépend de nous ; pourquoi alors faisons-nous nous-mêmes notre propre malheur ? « Le soupçon s’éveille en nous, écrit Freud, qu’une part de l’invincible nature se cache encore là-derrière, cette fois une part de notre propre complexion psychique[20]. » Répondre à cette question paradoxale va être la tache centrale de l’ouvrage, qui va en occuper les cinq derniers chapitres. L’avancée se fait plus prudente, Freud ne nous livrant, écrit-il, que « le peu qu’il a pu deviner. » Il commence, comme souvent les dernières années de sa vie, par un retour en arrière, rappelant les mutations de la théorie psychanalytique depuis la Grande Guerre. Il s’agit de changements qui se sont imposés à lui lorsque les hypothèses précédentes laissaient inexpliqués un grand nombre de phénomènes, suivant en cela les procédures des sciences de la nature, dont il était issu et auxquelles il est resté fidèle quant à sa méthode.
La première de ces mutations fut l’introduction du concept de narcissisme dans l’article de 1914, intitulé : « Pour introduire le narcissisme ». Jusque-là, la première théorie des pulsions était construite sur l’opposition entre « la faim et l’amour », à savoir les pulsions du moi (ou d’autoconservation) et les pulsions d’objet (ou sexuelles). La névrose était conçue comme l’issue d’un combat, où le moi avait fini par l’emporter au prix de douloureux renoncements sexuels. Mais lorsque la recherche est passée de ce qui est refoulé à ce qui refoule, à savoir des pulsions d’objet au moi, l’idée s’imposa que « le moi lui-même est investi de libido, il en est même le berceau et reste le quartier général.[21]» Le concept de narcissisme devint ainsi nécessaire, avec l’idée que la libido narcissique puisse se tourner vers les objets, devenir ainsi libido d’objet et se retransformer éventuellement en libido narcissique. Ce nouveau regard a rendu accessibles à l’analyse des entités cliniques comme la névrose traumatique et les psychoses.
Mais un nouveau problème se posa alors : « puisque les pulsions du moi étaient elles aussi libidinales, il parut un temps inévitable de faire coïncider de manière générale libido et énergie pulsionnelle, comme déjà auparavant l’avait voulu C. G. Jung.[22] » Ceci avait l’inconvénient qu’une libido généralisée risquait de se fondre dans un amas foireux d’énergie psychique indifférenciée. Paradoxalement, ça revenait à une désexualisation. Comment la psychanalyse allait-elle garder sa spécificité, son trait distinctif, son schibboleth ? La dualité des pulsions était donc une nécessité logique, « une certitude impossible à fonder. » Dans ce contexte, Freud dit avoir été frappé par la contrainte de répétition et le caractère conservateur de la vie psychique. Les soldats au retour de la Grande Guerre ne faisaient pas des rêves de réalisation de désir, conformes au principe de plaisir ; ils rêvaient de leurs traumatismes. L’objet de leur effroi, « cet état qui survient quand on tombe dans une situation dangereuse sans y être préparé[23] », revenait hanter leurs cauchemars. Cette compulsion de répétition amena à la conclusion logique que, outre la pulsion sexuelle, « il devait y avoir une opposée, la pulsion de mort », qui travaille à entraver tout changement, et cette nouvelle dualité pulsionnelle devint, dans Au-delà du principe de plaisir (1920), Éros et Thanatos.
Ce n’est pas seulement leur contenu, leur tendance, qui les différencie. Si les manifestations d’Éros sont frappantes et bruyantes, Thanatos « dans l’être vivant, travaille en silence à sa dissolution », ce qui peut expliquer pourquoi il était jusque-là passé inaperçu. Imperceptible, il ne se rend sensible que dans des cas particuliers, comme le sadisme et le masochisme, dans lesquels les deux pulsions se présentent en un « alliage », la pulsion de destruction œuvrant en silence derrière la sexualité, que ce soit contre l’objet (sadisme) ou contre le moi (masochisme). « Au début, écrit Freud, je n’avais défendu les conceptions développées ici qu’à titre expérimental, mais avec le temps elles ont acquis un tel empire sur moi que je ne puis plus penser autrement. Je pense qu’elles sont, d’un point de vue théorique, incomparablement plus exploitables que n’importe quelles autres, elles permettent cette simplification qui ne néglige ni ne viole les faits, et à laquelle nous aspirons tellement dans le travail scientifique.[24] »
La réorganisation de la théorie des pulsions en 1920, a été suivie de peu par l’introduction de la seconde topique, en1923[25], troisième des grandes mutations de la théorie psychanalytique que Freud a besoin de rappeler avant d’entrer dans le cœur de son sujet. Nous savons que la première topique opposait le conscient (ainsi que le préconscient) à l’inconscient. Le sujet était invité à mettre à jour, par l’intermédiaire de l’analyse, un matériel inconscient, largement constitué par des désirs devenus inacceptables et refoulés au cours de son histoire. La psychanalyse était donc, aux dires de Freud, un « art de l’interprétation ». Le regain d’une part de maîtrise de soi, n’était pas exclu de son horizon, en accord en ceci avec toute la tradition philosophique. Mais cet espoir s’est évaporé avec la seconde topique, où le ça est devenu face au moi l’instance principale et déterminante de l’appareil psychique, consacrant ainsi la prédominance de l’inconscient et excluant toute maîtrise. Un moi faible et hanté par la pulsion de mort vint ainsi au premier plan.
Ces mutations correspondent à un véritable changement de paradigme pour la psychanalyse et cela ne s’est pas passé sans de nombreuses réactions et résistances, même parmi les psychanalystes. L’idée même d’une pulsion de mort paraissait paradoxale et incongrue. Comme à travers l’étiologie sexuelle des névroses auparavant, la psychanalyse redevenait subversive. Jusqu’alors, elle pouvait s’adresser à un large public, qui pouvait en attendre, grâce à la mise à jour des déterminations inconscientes, une issue aux symptômes des « nerveux ». Cette version de l’analyse avait trouvé un terrain de prédilection aux États-Unis. Nous la voyons à l’œuvre dans les vieux films hollywoodiens, de Hitchcock par exemple, où la cure psychanalytique est menée avec un suspens digne d’une enquête policière, basée sur le paradigme de l’indice. La séduction qu’elle exerça explique la prolifération de techniques thérapeutiques (à travers la musique, l’art, le groupe, etc.) qui refusent jusqu’à nos jours l’idée d’un moi faible, hanté par l’autodestruction, et poursuivent, tambour battant, l’illusion d’une maîtrise accessible, et de préférence rapide.
De l’individuel au collectif La seconde topique a doté la psychanalyse freudienne d’un aspect crépusculaire, la pulsion de mort l’a rendue infréquentable, si opposée aux données empiriques et si intolérable pour le moi. L’écriture du « Malaise » présuppose ces remaniements théoriques, mais il fait aussi la part belle au rêve de Freud, de sortir la psychanalyse de son champ initial du traitement des névroses et de toute dépendance envers la psychopathologie[26]. Il n’avait jamais cessé d’affirmer que la psychanalyse n’était pas une branche de la médecine et certainement pas la « bonne à tout faire de la psychiatrie ». Sa recherche était partie de phénomènes communs, tels le rêve, le mot d’esprit, les œuvres d’art, les légendes, coutumes et rites populaires, voire la langue elle-même. Dans son « Auto-présentation », publiée en 1925, il écrivait : « Après un détour, une vie durant, par les sciences de la nature, mon intérêt était retourné à ces problèmes culturels qui jadis avaient fasciné le jeune homme à peine éveillé à la pensée. » Et en 1926, dans « La question de l’analyse profane », il ajoutait : « Après quarante et un ans d’activité médicale, la connaissance que j’ai de moi-même me dit qu’au fond je n’ai jamais été un véritable médecin. Je suis devenu médecin par suite d’une déviation de mon destin originel, qui m’a été imposée, et le triomphe de ma vie consiste à avoir retrouvé, après un grand détour, l’orientation initiale. » L’écriture du « Malaise » constitue un point culminant de ce retour à soi.
Entre ces deux domaines, psychopathologie et expérience commune, Freud établit un premier parallèle entre l’activité psychique des névrosés et le rêve, les considérant comme des signifiants d’un signifié à déchiffrer. Le parallèle a été étendu ensuite l’enfance, à partir de traces des phases dépassées de la sexualité infantile, trouvées chez les névrosés. L’enfant est ainsi devenu un trait d’union entre la névrose et le rêve. Puis, au moins à partir de 1908, dans « La morale sexuelle civilisée et la maladie nerveuse des temps modernes », la recherche s’est tournée vers les relations entre l’individu et la société ; c’est alors que la culture est venue au premier plan, à travers les œuvres d’art, les mythes, les croyances et les règles sociales. En considérant à leur tour ces œuvres de la culture comme des signifiants, Freud les a rendues susceptibles d’une approche psychanalytique, comme auparavant les rêves et les symptômes. Un pont s’est ainsi progressivement établi, un parallèle, entre l’individuel et le collectif.
Écoutons Ernest Jones citer le présupposé de Freud : « Nous disions : dans le rêve et la névrose se retrouve l’enfant avec toutes les particularités qui caractérisent son mode de pensée et sa vie affective. Nous ajouterons aujourd’hui : et nous y retrouvons encore l’homme primitif, sauvage, tel qu’il nous apparaît à la lumière des recherches archéologiques et ethnographiques.[27]» A ses yeux, il y aurait eu par conséquent quelque chose comme une enfance de l’humanité, et c’est elle qui nous renseigne sur les fondements de la culture. L’humanité se serait pour ainsi dire développée à l’instar d’un enfant. En témoignent les fréquentes allusions dans « Le malaise » au mythe de Totem et tabou, où une histoire familiale (le meurtre du père de la horde par les fils ligués contre lui) s’érige en mythe fondateur de l’avènement de la culture. Or cette histoire, issue d’une allusion de Darwin aux mœurs des grands primates, contient une aporie. Car si nous admettons que cet acte, par le remords qu’il a suscité, a été à l’origine de la culture, nous admettons en même temps l’existence d’un sentiment de culpabilité antérieur à la culture. Car comment les frères vainqueurs auraient-ils accepté le renoncement pulsionnel : jouir du butin de leur combat (l’accès aux femmes de la tribu, qui leur était interdit par l’avidité du père) sans l’existence d’un remords ? De l’autre côté, comment concevoir qu’un tel sentiment civilisé préexistait à la culture, alors qu’il est censé l’engendrer ? D’où, paradoxe : le sentiment de culpabilité s’origine dans ce qu’il est censé produire. La pensée se heurte à de tels paradoxes, dès qu’elle aborde la question des origines.
Revenons un instant à la dualité pulsionnelle. Nous savons que la pulsion de vie tend à associer les êtres humains en des unités de plus en plus vastes, là où la pulsion de mort tend au contraire à les dissocier, détruire, ramener à l’inorganique. D’un autre côté, l’espèce humaine se distingue des autres espèces animales par une indéracinable agressivité. Freud insiste que les humains asservissent, torturent, violent et tuent leurs semblables sans raison (contrairement aux animaux) et ceci semble même leur procurer un certain plaisir. Le sadisme et le masochisme nous apprennent que pulsion érotique et pulsion de mort sont toujours imbriquées. « L’homme, lisons nous, n’est pas un être doux, avide d’amour, (…) le prochain ne représente pas seulement pour lui un auxiliaire ou un objet sexuel, mais aussi une tentation de satisfaire sur lui son agression, d’exploiter sans dédommagement sa force de travail, de l’utiliser sexuellement sans son consentement, de s’emparer de son bien, de l’humilier, de le faire souffrir, de le martyriser et de le tuer.[28] » Le fait est que même en dehors du sadisme, là où la pulsion de mort survient sans intention sexuelle, fût-ce dans la plus aveugle rage de destruction, sa satisfaction est connectée à une jouissance, narcissique cette fois, qui présente au moi ses anciens désirs de toute-puissance[29].
Freud est ainsi amené à reconnaître que ce : « penchant à l’agression est chez l’homme une disposition pulsionnelle originelle et autonome, (et) la culture trouve en elle son obstacle le plus puissant. (…) Cette pulsion d’agression est le rejeton et le représentant principal de la pulsion de mort.[30] » Cette idée d’une pulsion d’agression autonome, quoique ancienne chez Freud, n’a pas été admise sans réticence. James Strachey en a retracé l’historique dans son introduction à l’édition anglaise du « Malaise ». La première trace apparaît dans le premier des « Trois essais » (1905) : « Le sadisme correspondrait à une composante agressive de la pulsion sexuelle devenue autonome, hypertrophiée et propulsée par déplacement en position principale.[31] » Et plus loin, dans le deuxième essai : « les pulsions …de la cruauté…se font déjà sentir au cours de l’enfance en tant que tendances autonomes, d’abord distinctes de l’activité sexuelle érogène.[32] » Elles émanent alors de la pulsion d’autoconservation. Mais ces thèses ont reculé dans le contexte du combat contre Adler qui soutenait l’existence d’une pulsion d’agression tournée vers l’affirmation de soi. Ainsi, dans « Le Petit Hans » (1909) la thèse fut reniée par Freud : « je ne puis me résoudre à admettre un instinct spécial d’agression à côté des instincts déjà connus de conservation et sexuels, et de plain-pied avec eux.[33] » Le texte des « Trois essais » fut aussi modifié en conséquence à partir des éditions de 1915 et il faudra attendre l’Au-delà du principe de plaisir (1920) pour voir à nouveau apparaître une pulsion de mort, ou de destruction, autonome.
Le malheur intérieur Le fait est que cette indéracinable agressivité chez l’humain, menace sans cesse la société culturelle de ruine. Elle doit tout mettre en œuvre pour contenir les pulsions d’agression. Ainsi, c’est la constatation que « l’homme est un loup pour l’homme », écrit Freud, qui a conduit le christianisme à promouvoir la maxime : « Aime ton prochain comme toi-même ! », une maxime qu’il juge si éloignée de la réalité des sentiments entre les humains. Mais la plus importante des barrières contre l’agression est celle qui survient chez l’enfant, par introjection, intériorisation de l’agression, retournée ainsi contre le moi. Ce retour de l’agression vers l’intérieur est l’apport principal du « Malaise ». Dans ce processus, une partie du moi se différencie, devient le Surmoi et exerce sur le moi la même agressivité que celui-ci aurait aimé tourner vers l’autorité qui l’opprimait. En tant que conscience morale, elle agit de l’intérieur, « comme des forces d’occupation dans une ville conquise.[34] »
L’instauration de cette instance interne d’oppression repose pour l’essentiel sur l’impuissance de l’être humain, sa dépendance envers les autres, sa peur de perdre leur amour. Freud définit en conséquence le mal comme : « ce pourquoi l’on est menacé d’une perte d’amour.[35] » Or, à partir du moment où l’instance de surveillance est installée à l’intérieur, la différence entre faire le mal et vouloir le mal disparaît : « car rien ne peut se cacher au surmoi, pas même les pensées.[36] » Qu’on ait déjà mal agi ou qu’on pense seulement le faire, on est également jugé coupable. Considérer l’intention comme équivalente à la réalisation, est après tout une vieille idée freudienne ; déjà dans les Études sur l’hystérie (1895), c’était le propre du symptôme, que de prendre en compte des pensées inconscientes coupables comme si elles étaient accomplies. Mais ici, on franchit un pas de plus : ce qui est propre à la pensée psychanalytique, c’est que « la conscience morale se comporte avec d’autant plus de sévérité et de méfiance que l’homme est plus vertueux.[37] » Contrairement à ce qu’enseigne la tradition philosophique, qui pose la vertu comme sa propre récompense, pour la psychanalyse, la vertu s’accompagne de constantes frustrations qui font exacerber les tentations, de sorte que : « Une conscience morale plus sévère est précisément le trait caractéristique de l’homme moral. » Lorsqu’il est frappé par un malheur, l’être humain voit en ce destin un substitut de l’instance parentale, il considère qu’il n’est plus aimé par cette puissance suprême et se punit par des pénitences.[38] Le besoin de punition s’avère plus fort que la vertu.
Nous voyons, remarque Freud, que dans la genèse du Surmoi, un malheur extérieur menaçant (la perte d’amour et la punition qu’elle entraîne) a été échangé contre un malheur intérieur permanent (la conscience de culpabilité). Un cercle vicieux s’installe ainsi : le renoncement pulsionnel (imposé de l’extérieur) crée la conscience morale, qui à son tour exige un nouveau renoncement pulsionnel. Par exemple, dans le cas de la pulsion d’agression, chaque quantité d’agression que nous renonçons à satisfaire est récupérée par le surmoi et employée à accroître son agression contre le moi. In fine, le moi de l’enfant doit se contenter, par identification, du triste rôle de l’autorité ainsi rabaissée : « Si j’étais le père et toi l’enfant, je te traiterais mal.[39] » Le complexe d’Œdipe prime ainsi sur la genèse du sentiment de culpabilité de l’enfant, mais il est également à l’œuvre, nous dit Freud, dans celui de l’humanité. Ce qui diffère, c’est que, selon le mythe de « Totem et tabou », l’agression ne fut pas réprimée, mais accomplie. Le paradoxe du remords évoqué plus haut, aurait ainsi son origine dans l’ambivalence des sentiments à l’égard du père, à la fois haï et aimé. Le sentiment de culpabilité est l’expression du conflit d’ambivalence : la part de l’amour dans sa genèse, non seulement le rend inéluctable, mais le renforce encore et toujours.
D’après ce que nous avons vu jusque-là : « le prix à payer pour le développement culturel est une perte de bonheur causée par l’augmentation du sentiment de culpabilité.[40] » Il reste en grande partie inconscient, ou bien se fait jour sous la forme d’un malaise. Dans le cas des névroses, l’analyse nous avait appris que les symptômes sont pour l’essentiel des satisfactions de substitution pour des désirs sexuels réprimés. Une thèse complémentaire devient à présent possible : « si une aspiration pulsionnelle succombe au refoulement, ses éléments libidinaux se transposent en symptômes, ses composantes agressives en sentiment de culpabilité.[41] » Les premiers sont bruyants et attirent l’attention, le second œuvre en silence dans l’inconscient. Et ce sentiment, inconscient, consolide à son tour les symptômes par le besoin de punition, qui est une « liaison érotique », masochiste, au surmoi sadique.[42]
Rappelons encore une fois les trois temps repérés par Freud dans ce processus : 1) En premier, on est conduit à distinguer entre le bien et le mal, distinction qui n’est pas naturelle, mais repose sur la menace de perdre l’amour de ceux qui comptent dans notre vie. 2) Cette peur entraîne à son tour un renoncement pulsionnel et la formation par introjection du Surmoi, qui se charge par identification de surveiller et punir le moi, entraînant une angoisse. 3) Enfin, chaque nouveau renoncement, au lieu d’apaiser, ne fait qu’augmenter la sévérité du Surmoi. Cette conception est propre à la psychanalyse : une compulsion au renoncement pulsionnel, chargée de toute la puissance de l’agressivité suscitée autrefois par les interdits. Voici le paradoxe auquel aboutit « Le malaise », doublé par le paradoxe de l’éducation, où un père « beaucoup trop faible et indulgent » n’atténue pas, mais accentue la sévérité du Surmoi, ne laissant au moi qu’une seule possibilité : tourner son agressivité entièrement contre lui-même.[43]
Un autre point : le processus de la culture répond à une tâche assignée par Éros, qui consiste en l’union des individus dans une communauté, où ils sont liés entre eux par la libido. Mais l’Anankè, la nécessité, la contrainte au travail, plus aisé et efficace en groupe, y contribue aussi. « Éros et Anankè, écrit Freud, sont devenus les parents de la culture humaine[44] ». La communauté constituée forme à son tour un surmoi, et ce surmoi culturel repose sur l’impression qu’ont laissée derrière eux les grandes personnalités, impression d’autant plus prégnante qu’elles aient pu, de leur vivant, avoir été raillées, maltraitées, voire éliminées de manière cruelle. Jésus Christ est l’exemple qui vient spontanément sous la plume de Freud, dont les préceptes : « Aime ton prochain comme toi-même », voire : « Aime ton ennemi », sont à rebours des penchants naturels, indiquant la trace d’une lutte contre l’agression. Ce surmoi de la culture comporte par conséquent une forme d’éthique, conçue comme une tentative pour : « se rendre maître des perturbations de la vie en commun causées par la pulsion humaine d’agression et d’auto-anéantissement.[45] » Le « Malaise » se termine sur ce pari, et s’implique en souhaitant que : « l’Éros éternel fasse un effort pour s’affirmer dans son combat avec son tout aussi immortel adversaire[46] », combat dont Freud se garde bien de prédire l’issue.
Apostille Arrivés à la fin de cette lecture, on peut se demander si le séminaire de Lacan L’éthique de la psychanalyse, ne peut pas se lire comme un épilogue au « Malaise ». La question se pose de savoir si le discours freudien véhicule une éthique distincte à la fois du rigorisme moral et de l’hédonisme trompeur. Une éthique qui exclurait à la fois de se punir toujours plus, et de ne rien s’interdire. Autrement dit, est-ce que l’être humain peut vivre sans être livré entièrement à la pulsion de mort qui le pousse à se détruire tout en détruisant l’autre ? [47]. Pour Lacan, la position freudienne procède de la constatation : « il n’y a pas de Souverain Bien[48] », au nom duquel aimer son prochain comme soi-même. Aucune utopie, pourrions-nous ajouter, que ce soit celle du partage de la propriété, ou celle de la pureté raciale, ne mérite d’y consacrer sa vie et sacrifier celle des autres comme solution finale à tout malaise social. S’il n’y a pas de souverain bien, il y a en revanche la destruction et le mal. Rappelons-nous : les totalitarismes se sont serré la main au-dessus d’une montagne de victimes, entre la forêt de Katyn et le ghetto de Varsovie. Le seul appui de l’être humain contre Thanatos, c’est Éros, le désir : désir amoureux, mais aussi désir de création, désir de savoir, désir de vivre. Si la vie n’est pas envisageable sans la souffrance et le mal, il nous reste cette possibilité : mesurer nos actions à l’aune de notre désir.
Qu’est-ce à dire ? « La seule chose dont on puisse être coupable, disait Lacan, au moins dans la perspective analytique, c’est d’avoir cédé sur son désir[49] », que ce soit en le sacrifiant sur l’autel de l’idéal, ou alors en obéissant aux exigences de la compulsion de répétition. Il soulignait par ailleurs la parenté étymologique entre « ouïr » et « obéir » : dans la genèse du Surmoi, la voix de la conscience ordonne d’obéir, et le sujet répond : « j’ouïs ». Comment entendre : « ne rien céder sur son désir » ? S’agirait-il d’agir selon le précepte libertaire : « Fais ce que voudras », inscrit sur l’Abbey de Thélème ? Ou bien poursuivre l’œuvre civilisatrice, en veillant à ne rien céder ? Dans la perspective psychanalytique, l’alternative est fausse, car le discours freudien n’est pas prescriptif. Et la réalisation du désir n’est pas source de plaisir mais le plus souvent d’angoisse.[50] Du point de vue de l’inconscient, il me semble qu’il s’agirait plutôt de ne pas obturer la place du manque, comme lieu où le désir peut se faire reconnaître. Reconnaître, non pas tant pour l’accomplir, que pour gagner un degré de liberté à son égard. Les armes d’Éros ne sont pas les mêmes que celles de Thanatos. On ne peut alléger l’emprise du Surmoi par de nouvelles prescriptions ; qu’elles soient libertaires n’y change rien. Voici je crois en quoi consiste le message que Freud nous a susurré à l’oreille avec ce livre elliptique, paradoxal et narquois.
[3] Cité par E. Jones, op. cit. Appendice A, p. 505.
[4] Le malaise, Chapitre VI, p. 119.
[5] Ibid. Chapitre I, p. 51.
[6] Ibid. p. 44.
[7] Ibid. p. 45-48.
[8] J. André, « Préface » à S. Freud, Le malaise dans la culture, Paris, PUF Quadrige, 1995, p. VII.
[9] S. Freud, « Esquisse », cité par Ph. Koeppel, « L’a-morale de Freud », Bionville, 29 mai 2021, inédit.
[10] Le malaise, Chapitre I, p. 50.
[11] Ibid. Chapitre II, p. 56-57.
[12] Ibid. Cf. p. 58-59.
[13] Ibid. p. 71.
[14] Ibid. Chapitre III, p. 83-84.
[15] Ibid. p. 88.
[16] Ibid. Chapitre V, p. 117.
[17] P. 89
[18] Cité par J. Strachey, « Editor’s Introduction », in S. Freud, Civilization and its Discontents, London, Hogarth Press, 1963, p. X (S. Freud, Lettres à Wilhelm Fliess, Paris, PUF, 2006, p. 319).
[19] Le malaise, Chapitre III, p. 92.
[20] Ibid. p. 74.
[21] Ibid. Chapitre VI, p. 121.
[22] Ibid.
[23] S. Freud, « Au-delà du principe de plaisir », Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1997, p. 50.
[24] Le malaise, Chapitre VI, p. 122-123.
[25] S. Freud, « Le moi et le ça », Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1997.
[26] Sur ce point, je me suis appuyé en partie sur la « Note de l’éditeur » de P. Pellegrin, in Le malaise.
[27] Cité par P. Pellegrin, Ibid. p. 15-16.
[28] Le malaise, Chapitre V, p. 111.
[29] Ibid. Cf. Chapitre VI, p. 125.
[30] Ibid. p. 126-127.
[31] S. Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, Paris, Gallimard, 1987, p. 69 (1er essai, 2e section).
[32] Ibid. p. 119 (2e essai, 4e section).
[33] S. Freud, « Le petit Hans », Cinq psychanalyses, Paris, PUF, 1979, p. 193 (chapitre 3, section 2).
[34] Le malaise, Chapitre VII, p. 131.
[35] Ibid. p. 132.
[36] Ibid. p. 133.
[37] Ibid. p. 134.
[38] Ibid. Cf. p. 134-135.
[39] Ibid. p. 140.
[40] Ibid. Chapitre VIII, p. 147-148.
[41] Ibid. p. 155.
[42] Cf. Ibid. p. 151.
[43] Ibid. Chapitre VII, note 5, p. 176.
[44] Ibid. p. 96.
[45] Ibid. p. 166.
[46] Ibid.
[47] Sur cette question, je me suis appuyé en partie sur la « Présentation » de Clotilde Leguil, in S. Freud, Le malaise dans la civilisation, Paris, Points, 2010, pp. 36-40.
[48] J. Lacan, L’éthique de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1986, p. 85.
[49] Ibid. p. 368.
[50] Cf. S. Freud, L’interprétation des rêves, Paris, PUF, 1967, p. 493, Note 1.