Le point de départ de ce séminaire s’origine dans un questionnement relatif à la violence -violences individuelles subies ou agies, violences institutionnelles – et à ses effets. Comment accueillir et entendre la « violence » des jeunes – ou moins jeunes – qui explosent, cognent sans que personne ni comprenne rien et sans qu’eux-mêmes ne puissent en dire quelque chose sauf un « ch’ai pas » ? Une ignorance que nous interrogerons cette année, en tant que condition préalable au transfert. « Nous savons que la dimension du transfert existe d’emblée, implicitement, avant tout commencement de l’analyse, avant que le concubinage qu’est l’analyse ne le déclenche. Or, ces deux possibilités de l’amour et de la haine ne vont pas sans cette troisième, qu’on néglige et qu’on ne nomme pas parmi les composantes primaires du transfert- l’ignorance en tant que passion. Le sujet qui vient en analyse se met pourtant, comme tel, dans la position de celui qui ignore. Pas d’entrée possible dans l’analyse sans cette référence, on ne le dit jamais assez, on n’y pense jamais, alors qu’elle est fondamentale ».[1] Comment passer de ce « ch’ai pas » qui souligne une dialectique en souffrance (je saiT pas, en écho à je parT), à un « je ne sais pas » interrogatif, qui ouvre ?
L’usage du mot violence est aujourd’hui particulièrement délicat tant il occupe le champ politique et social et recouvre une variété de situations extrêmement variables. Je ne reprendrai pas ici les développements qui ont pu être faits lors de la première séance du séminaire[2] mais il y aurait évidement beaucoup de choses à dire sur cette violence : la manière dont elle est socialement construite, la dimension performative du terme, les effets de son usage, ainsi que l’analyse des situations très concrètes qu’il recouvre. Ce que nous apprend l’histoire c’est la variabilité de sa définition à travers les âges : violences comme fait de culture dont la qualification reste ouverte selon les contextes sociaux, politiques, historiques, géographiques, judiciaires… Un fait n’est pas a priori violent ou non ; sa qualification dépend des conventions sociales en vigueur ; ces conventions se négocient au quotidien ou dans l’arène politique ; elles fixent les conditions dans lesquelles la violence est appréhendée comme telle. A noter que la violence perçue, n’est pas la même selon les groupes de référence, ni pour les personnes. Il n’est pas possible de parler de la violence sans y mêler notre propre opinion ou ressenti : est violent ce qui me fait violence, ce qui me déborde. Pour approcher les innocents, il nous appartient d’apprendre à faire avec le débordement. Supporter d’être débordé sans en être effondré (on peut en revenir) et surtout le traiter autrement que dans le lien, pour lui donner une chance d’être entendu comme un signal, une ébauche de transfert.
La violence interroge le politique, l’art de vivre ensemble, la culture. Faire de la violence une question et non d’emblée un problème qu’il faut régler -voire éradiquer- est en soi politique. Tout le monde se précipite vers les réponses, alors que personne n’écoute les questions qu’elle pourrait nous poser. « La violence met au travail toute culture, autrement dit provoque toute culture à sa propre énonciation dans le travail de son élaboration… N’est-ce pas dans l’inquiétude devant la violence qu’une société se réfléchit, qu’un monde qui sait qu’il est son propre produit met en question ce qui lui arrive ? … Cette violence doit nous interroger sur nos valeurs sociétales. » [3]
Nous avons donc choisi d’accuser réception des questions que soulève la violence destructrice de jeunes qui fait voler en éclat non seulement leur environnement mais aussi leur auteur. Et plus généralement nous accusons réception des questions que nous posent ces gamins qui mettent à mal les institutions qui essayent de les contenir : famille, école, justice, foyer. Ces gamins hors murs, hors normes, hors cadres nosographiques bien défini … que nous avons choisi d’appeler « les innocents ».
Ce qui nous a retenu par rapport à la violence ce n’est pas tant son « existence » en tant que telle : (des ados placés par la justice il y’en a toujours eu et la lecture d’extraits de F.Deligny[4] nous a accompagnés pendant la ballade) mais les nouvelles formes qu’elle prend. « Ils ne sont plus violents comme avant ». « Ils ne se battent plus comme avant ». Avant (avec tous les mythes et les réécritures qui sont associés à la fabrique de l’histoire) « avant, ça cognait éventuellement plus dur, il y avait même plus de bagarres mais quand c’était fini on pouvait plus facilement en parler, on avait quelqu’un en face de soin, on pouvait punir… même s’il y avait bien sûr des irréductibles » (paroles d’éducateurs). Aujourd’hui la violence est éruptive, volcanique. Les éducateurs disent être aux aguets tout le temps ; il y a toujours de l’électricité dans l’air, même chez les tout petits. « Le plus souvent on ne voit rien venir, ça explose pour un rien et ça se répand comme une traînée de poudre ». Le vocabulaire pour dire ce qui se passe, tant de la part des jeunes que des adultes est :« ça pète » ; « il a pète un câble » ; « il disjoncte », » il a explosé ; il fait sa crise » … Même mots d’ailleurs, employés quelques soient les situations, et qui court-circuitent la pensée : comme si avec ça tout était dit ! Et quand il a explosé, c’est l’effacement, le zapping ; rien à dire, « ch’ai pas », (presque) comme si rien ne s’était passé…
Il ne nous a pas semblé aberrant d’entendre et d’interroger « la violence » et ces nouvelles manifestations comme ayant à voir avec les mutations sociétales, le rapport au corps dans nos sociétés, et plus généralement les nouvelles modalités de subjectivations en ce début du 21ème siècle et les nouvelles socialités : très minimales pour les innocents ! La lecture de sociologues comme Zygmunt Bauman[5], nous a aidés à ouvrir ces questions.
Il y a une certaine provocation à appeler ces jeunes « Les Innocents » alors qu’ils font le bazar partout où ils passent ; mais cette dénomination est une invitation à prendre la question par un autre bout de la lorgnette et à réintroduire la part du social dans la fabrique de ce qu’ils produisent. Deux livres de Maurice Berger, qui s’intitulent à juste titre me semble-t-il, l’un « Ces enfants qu’on sacrifient » (2007) relatif au « traitement » que leur réserve parfois l’ASE et à la violence institutionnelle qui leur est faite ; l’autre « Voulons-nous des enfants barbares ? » (2008) sur la prévention de la violence extrême, ont alimenté notre réflexion. On n’est pas loin du Massacre des Innocents et le tableau de Poussin illustre le début de notre argument. On les accuse facilement d’être agressifs, violents, destructeurs… sans se préoccuper de la façon dont très tôt, nombre d’entre eux ont été malmenés et continuent parfois de l’être institutionnellement. La baisse de l’âge du traitement pénal est à cet égard un indicateur sociétal intéressant de la place faite aux « mineurs » Je reviendrai tout à l’heure sur cette question à partir d’un livre de B Stiegler : « Prendre soin de la Jeunesse et des générations ».[6]
Mais le terme Innocents fait surtout référence à cette phrase de Lacan qui nous sert de fil conducteur pour soutenir notre réflexion clinique et théorique. « C’est exactement dans la mesure où la parole progresse que se réalise cet être… car il est bien clair que si cet être existe implicitement et d’une façon en quelque sorte virtuelle, l’innocent, celui qui n’est jamais entré dans aucune dialectique, n’en a littéralement aucune espèce de présence de cet être, il se croit tout bonnement dans le réel ».[7] Ce tout bonnement ne va pas de soi, sauf à se rappeler que les bonnes sont meurtrières (cf : le crime des sœurs Papin).
Nous nous intéressons à ceux pour qui « on bat un enfant » n’est bien souvent, pas seulement resté du côté du fantasme et qui – pour une raison ou une autre, de nous inconnue ou bien énigmatique – sont en panne de symbolisation. C’est comme si d’une certaine façon ils échappaient aux questions langagières, alors même qu’ils ont été pris « comme les autres » dans le langage.
Comment vivre ou survivre quand on a fait l’expérience d’une catastrophe de ce qui fonde l’humain, quand les modes de vie vont se faire sur le mode de la survie (galère, errance, fugue, drogue, vol…). Certaines personnes ayant vécu ce genre de situations (incestes, maltraitances graves) accèdent à une élaboration par fomentations hystériques, ouvrant la possibilité à un travail analytique. Mais ce n’est pas le cas de tous. Et l’invention freudienne a laissé isolé et en suspens le traitement des réalités dites matérielles qui n’ont pas été intégrées dans des réalités dites psychiques. Nous zonons dans des espaces indexés du préfixe « in », dans sa valeur de négation, qui marque l’absence, le contraire : inimaginable, inconcevable, indescriptible, innommable, indicible. Nous nous intéressons là à ceux qui sont exposés à une situation in-subjectivable, ceux pour qui la pratique du dire ne fonctionne pas ou pas bien. Quand le réel a fait irruption, ou quand, pour reprendre des termes de Françoise Davoine et Jean-Max Gaudillère, il y a « catastrophe du lien social » ou « catastrophe du symbolique ».
C’est la négativité que présente les innocents qui est là, première, et nous saisit. Et il convient de renoncer à nos repères habituels pour s’avancer vers eux et se laisser enseigner : qu’ils nous apprennent de quelles contrées ils viennent, où ils zonent… Ceci peut être défini comme la position analytique « par excellence » ; mais là les choses sont poussées à l’extrême et ont une tonalité particulière qui a sans doute à voir avec cette proximité du réel. Elle est mortifère et la fréquentation de ces innocents n’est pas sans effets sur ceux qui s’y risquent. Attaque du symbolique, paralysie de toute élaboration, mise en cause des socialités. La dialectique passe par un jeu oppositionnel et une articulation à l’autre, là où les onomatopées destructrices, les mots tueurs, les jurons se voudraient une destruction radicale de l’autre, à laquelle il nous faut résister, tout en restant présent, et fabriquer des bribes de relation qui laissent des traces. Leur dynamique du non transfert, la difficulté, l’impossibilité, le refus ou la peur de tout articulation- nous entraîne avec eux dans la « déssolation » (néologisme de Roland Léthier).
Mais pour se donner les chances d’essayer d’entendre quelque chose, il importe de ne pas vouloir pathologiser trop vite, voir de ne pas pathologiser du tout cette affaire là. Pathologiser c’est ramener du côté de la norme, du normal et de la morale. Supprimer, canaliser, faire taire la violence ? Ou l’accueillir, l’écouter avant, éventuellement, de pouvoir la transformer.
A la question-provocation : « Tu m’cherches ! » nous avons choisi de répondre « oui », d’aller à leur recherche, en espérant les trouver. De relever le gant quitte à devoir entrer dans la proximité du risque et du combat. Et d’y aller en corps. Acceptant parfois une fréquentation avec l’autre, là où la parole est exclue, temporairement au moins et avec l’espoir peut-être d’en injecter une petite once. « Nous n’avons pas à faire au refoulement, à l’oubli. Le langage a fait naufrage, la pratique habituelle de l’imaginaire a disparu dans la catastrophe et c’est alors au corps que revient d’accueillir une quête d’adresse et d’un lieu pour s’inscrire ».[8] C’est comme s’il fallait injecter du symbolique, redonner du corps aux mots, familiariser le corps par les mots, corporiser les mots, là où tout est délié. Restaurer la fonction borroméenne. Motérialité.
Mais convoquer trop vite du côté de la parole se heurte le plus souvent à un impossible. Face au désastre, revenir sur l’histoire évènementielle n’en permet pas l’écriture. Le dire seul ici ne suffit pas. Ils refusent bien souvent d’articuler quelque chose de leur histoire. Refus ? Peur ? Impossibilité ? Ils dégagent très vite le sujet – de façon quasi instinctive parfois- nous indiquant par là qu’il y a là un essentiel, à protéger ? A éviter ? Parce que trop dangereux ? Parfois ce n’est pas par opposition ou refus de parler mais parce qu’il n’y a pas de mots pour dire, ni même de souvenirs ou de représentations ; c’est l’absence de liens repérables avec quoique ce soit de significatif : pas d’associations, et si énonciations de faits, pas ou peu d’affects exprimés ; mais des signes corporels : le corps qui pâlit, ou tremble ou se rigidifie…Comme si les mots étaient coupés du corps. « Ils se trouvent propulsés hors des mots, c’est-à-dire hors de la relation et se trouvent en prise directe avec leurs corps, avec des sensations inqualifiables, intolérables, décousus hors du sens. Et de ça ils ne peuvent rien faire. Ne reste que l’absence ».[9] Quand il y a du trop du côté de la réalité, il y a du moins du côté de la représentativité et c’est alors par le corps que « ça » se montre. Le corps mis en avant : à la place d’une parole ? Ou là où la parole n’a pas encore de place, n’existe pas, n’a pas encore pris corps ? Vouloir les attirer trop vite du côté de la parole c’est une façon aussi de se protéger, soi, et d’édulcorer quelque chose du côté de la violence. La faire rentrer dans des catégories explicatives et compréhensibles qui nous rassurent.
Cette première année nous avons beaucoup évoqué ce qui semble être « en panne » du côté des innocents : réglant parfois de façon quelque peu rapide certaines questions. Mais la façon dont nous sommes pliés par la doxa psychanalytique et la psychologie-psychanalytique ambiante nous encombre pour aborder les innocents. Ils nous convoquent à repenser à nouveau frais les questions de la fabrique du sujet en ce début de 21è siècle.
- Dans son texte : « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je.. »[10], Lacan fonde l’humain sur l’image spéculaire. Or qu’advient-il quand l’image dans le miroir s’est volatilisée, ou a disparue ? Ou n’est jamais advenue ? Quels modes de subjectivation possibles alors ?
- Pas d’image, pas de Moi. Comment alors éduquer ? A qui tente-t-on de s’adresser quand le moi n’est pas constitué ?
- Et qu’elle place pour l’autre, le semblable existe-t-il ? Sans parler de la question de l’Autre…
Nous aurons sans doute l’occasion de reprendre de façon plus approfondie ces points essentiels, à partir des textes de Lacan (Le stade du miroir) ou de Freud (Psychologie des foules) pour aborder aussi la question du socius …
Cette première année nous nous sommes essentiellement intéressés à la question centrale de savoir : ces innocents, comment les rejoindre ? Comment les rencontrer ? Pour quoi ? Pourquoi? Comment écrire le désastre ? Comment fabriquer un sol pour les « déssolés » ? Comment restaurer la qualité borroméenne ? Et comme faire en sorte qu’il y ait du transfert ?
Roland nous a parlé de Thélémythe ; Hyacintha Lofe aussi à travers la question de l’absence[11]; et nous y reviendrons sans doute avec la venue de Yan Pelissier.[12] J’ai évoqué l’accueil et l’écoute de la violence, en corps, à travers la pratique de la psychoboxe.
Nous avons fabriqué des nœuds borroméens, à 3 ou 4 boucles avec Michel Thomé, et la place de l’écriture, a pris une grande part dans nos échanges. Un point de défaillance qui laisse place à une béance : l’absence d’inscription de ce qu’ils disent et qui est dit, de ce qu’ils font, montrent, agissent, comme si le système des signes n’était pas là. Roland nous a montré comment la violence advient là où l’écriture du nom ne se fait pas[13]. Ça ne cesse pas de ne pas s’écrire ; on est dans le réel, tout le temps. Même des manifestations de violence insensées ne font pas trace : que s’est-il passé ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Je ne sais, –je- ne sait pas, parce que du je, il n’y en a point. Et la réponse est juste !!
Permettre une « écriture du désastre », pour reprendre le titre d’un livre Blanchot. Sans nier que « quelque chose de grave s’est passé » – comme une catastrophe de ce qui fonde l’humain- mais sans pathos non plus. Comme dit, revenir sur l’histoire n’en permet pas l’écriture ; il faut de « nouveaux trucs », inventer de nouveaux mythes, de nouvelles façon d’être présent, « d’intervenir », tant éducateurs que « psy »… Roland disait lors d’une séance :« la paralysie du trauma ça ne se répare pas ; il faut passer à autre chose »[14] Non pas en niant ou minimisant ce qui s’est passé, non pas en cherchant à le réparer, là où les habités de la rupture soignent la rupture, mais peut-être en occupant une place de « restaurateurs », dans une présence en-corps, encore et toujours, c’est-à-dire dans la durée, malgré les tempêtes et ce que ça peut avoir comme effet sur soi, de les fréquenter. Ça ne laisse pas indemne. On en sort transformé. Avec eux, pour eux, fabriquer des bribes de relations qui laissent des traces ; avec eux, pour eux –les déssolés-, fabriquer des sols et y laisser des traces. « Un être qui peut lire sa trace, cela suffit à ce qu’il puisse se réinscrire ailleurs que là d’où il l’a portée. Cette réinscription, c’est là le lien qui le fait, dès lors, dépendant d’un Autre, dont la strucutre ne dépende pas de lui ».[15]
Et nous avons posé la nécessité du transfert : « Il faut qu’il y ait du transfert ! » n’avons nous cessé de dire. Fabriquer du transfert, inventer des lieux de transfert, des espaces discursifs, pour que des subjectivités puissent prendre corps, pour que ça se mette à dire et pas seulement à montrer ; encore une fois pour que ça s’écrive. La construction de pyramides en sucre nous a indiqué une voie. L’article de Jean Allouch : Vous êtes au courant, il y a un transfert psychotique » a servi de base à notre réflexion théorique.[16] Parler de transfert psychotique avec les innocents ne signifie nullement que nous considérions les « innocents » comme psychotiques. Mais le transfert psychotique est une modalité de transfert qui peut nous aider à penser la fabrique du transfert avec « les innocents », avertis que nous sommes déjà, que nous en sortirons la figure sale, voir plus.
Dans son article Jean Allouch écrit : « Il y a un transfert psychotique, une modalité de transfert spécifique à la psychose. En quoi consiste cette spécificité ? A quoi tient elle ? ». Allouch marque la spécificité de transfert psychotique par une formule : « le névrosé transfère ; le psychotique pose transférentiellement ». Le psychotique ne transfère pas (comme le névrosé) mais pose transférentiellement, ainsi que le fait le psychanalyste pour chaque demande qui lui est adressée. Poser transférentiellement, autrement dit se poser comme objet possible d’un transfert (comme possible support pour quelqu’un, du SsS). « C’est ici qu’apparaît la spécificité du transfert psychotique qui est avant toute chose, Lacan le notait, un transfert au psychotique » Le psychotique sait « Il n’est pas sans savoir, et même sans avoir raison sur son savoir. Et nous n’obtiendrons rien de lui si nous lui refusons cela ». Mais de quel savoir les Innocents sont-t-ils dépositaires ?
Nous avions aussi évoqué le fait que Lacan s’était fait le secrétaire de Marguerite.[17] Fonction de secrétaire qui nous intéresse dans la mesure où nous avons insisté sur la question de l’écriture, tant la violence et la vie des « Innocents » a à voir avec ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire. Pour Allouch, se fut essentiellement en devenant secrétaire de Marguerite sachante que Lacan se réalise comme synthome, et recompose ainsi la structure borroméenne du cas Marguerite. Occuper une fonction synthomale, étant entendu que ce qui fait synhthome varie pour chacun.
S’ils ne transfèrent pas comme les névrosés, posent-ils transférentiellement comme les psychotiques ? Sont-ils prêts à supporter un transfert ? A être notre éromène ? La réponse ne va pas de soi, ou risque d’être négative. Ils appellent plutôt bien souvent le rejet, la rupture de tous liens, d’où nécessité d’inventer une possibilité de transfert qui tienne compte du fait qu’ils ne demandent rien, « j’ai rien d’mandé moi », et qu’ils sont souvent écorchés vifs, hypersensibles et réactifs, aux aguets du moindre danger pour eux, sur un mode de survie. (Cf : analyse des trois places distinguées par Allouch).
Ils ne posent pas transférentiellement, et pourtant il faut « obliger » – les obliger- au transfert. Ne pas le faire serait totalement les abandonner. Y aller, relever le gant, mais en douceur, ce qui n’exclut pas la fermeté parfois.
[1] Jacques Lacan, Les Ecrits techniques de Freud, séance du 30 juin 1954, éd du Seuil, 1975
[2] Vous avez dit violence(s) ? séance du 24 octobre 2009, sur ce site.
[3] Patrick Baudry, Violences Invisibles, éd du Passant, 2004
[4] Ferdinand Deligny, Les Vagabonds Efficaces, éd Maspero, 1975
[5] Zygmunt Bauman : le Présent Liquide, peurs sociales et obsession sécuritaire, Seuil 2007 ; l’Ethique a-t-elle une chance dans un monde de consommateurs, le chapitre intitulé : les défis modernes-liquides à l’éducation – éd Flammarion, 2009
[6] Barbara Stiegler : Prendre soin de la Jeunesse et des générations, Flammarion, 2008
[7] Jacques Lacan, Les Ecrits Techniques de Freud, séance du 30 juin 1954
[8] Christine Loisel : A l’écoute d’une langue naufragée, Erès 2004
[9] Christine.Loisel, op cité
[10] Jacques Lacan, « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je.. », in les Ecrits ? ed du Seuil, 1966
[11] Cf 5ème séance, à lire sur ce site
[12] Cf 10 ème séance, à lire sur ce site
[13] 2ème ballade conjecture de l’écriture de la violence
[14] Les habités de la ruptures, à lire sur ce site.
[15]Jacques Lacan Séminaire « d’un Autre à l’autre », séance du 14 mai 1969
[16]« Vous êtes au courant, il y a un transfert psychotique » paru dans la revus Littoral n° 21, ères 1986, (article repris dans son livre Marguerite ou l’Aimée de Lacan (Epel oct 90) et le livre de Gloria Leff : Portraits de femmes en analyste, Lacan et le contre-transfert, (Epel 2009, p 21)
[17] Cf 4ème ballade du Transfert, à lire sur ce site