Les délaissés

Question de survie quand les blessures ne se pansent pas
Simon Hantaï

03/05/2013
Roland Léthier

Télécharger la séance

Les délaissés

Lors du séminaire du 9 mars 2013.

Suite à l’exposé très développé de Sonia Weber

à partir du livre Frédéric Gros : États de violence : essai sur la fin de la guerre, Paris, nrf essais Gallimard, 2006,  nous avons parlé :

À partir de nos expériences et rencontres avec « les innocents »,

nous sommes arrivés à reconnaître,

que,

malgré,

nos intelligences, nos études, nos diplômes,

nos motivations, nos bonnes volontés

les questions que nous posaient

« les innovents » (lapsus calami, non négligeable)

nous ont conduit à reconnaître que nous pouvions être, non pas abandonnés,

non pas peu calculés, mais pire :

délaissés.

Cette notion de délaissé pose des étranges questions.

 

En effet, un objet délaissé fait-il encore partie de la liste des objets ?

Il a un statut étrange : il est encore là, mais si peu.

Cet objet délaissé a eu une vie, peut-être même, il a été aimé mais que c’est-il passé pour

qu’il ne soit ni rangé, ni classé, ni jeté.

L’objet délaissé est un peu comme une âme en peine,

une âme qui n’est pas prise par Dieu, elle n’a pas été assignée à cette place que l’on donne à nos êtres chers perdus :

« Que Dieu ait son âme » une âme errante entre les limbes et le purgatoire.

Cette âme errante navigue entre ciel et terre, elle n’a pas de sol,

Elle répond bien à notre concept de « déssolé » (voir l’article : le lieu dit)

 

Notre fréquentation des innocents (rappel de la définition de Lacan)

« C’est exactement dans la mesure où la parole progresse que se réalise cet être, bien entendu absolument non réalisé au début de l’analyse, comme au début de toute dialectique, car il est bien clair que si cet être existe implicitement, et d’une façon en quelque sorte virtuelle, l’innocent, celui qui n’est jamais entré dans aucune dialectique, n’en a littéralement aucune espèce de présence de cet être, il se croit tout bonnement dans le réel. » Lacan J., Les Écrits techniques de Freud, 30 juin 1954, sténotypie.

nous a blessé de façon originale.

Une blessure qui ne se panse pas qui reste plus ou moins béante.

Son inédite fabrique ne lui permet pas de bénéficier de la prison du temps logique qui, elle, a une sortie subjectivée, cette blessure suintante a peu de chance de s’assécher.

Devant ces infernales questions, la survie est possible grâce l’ambiance simple, bienveillante intelligente de notre équipe (dite T3), elle autorise le développement d’une discursivité.

La discursivité introduite par Lacan à la suite de la conférence de Michel Foucault :

« Qu’est-ce qu’un auteur ? » (1969) propose un lien qui soutient la possibilité d’une subjectivation du dire.

 

 

 

 

 

 

 

« Qu’est-ce qu’un auteur? »,Bulletin de la Société française de philosophie, 63e année, no 3, juillet-septembre 1969

M. Michel Foucault, professeur au Centre universitaire expérimental de Vincennes, se proposait de développer devant les membres de la Société française de philosophie les arguments suivants :

« Qu’importe qui parle? » En cette indifférence s’affirme le principe éthique, le plus fondamental peut-être, de l’écriture contemporaine. L’effacement de l’auteur est devenu, pour la critique, un thème désormais quotidien. Mais l’essentiel n’est pas de constater une fois de plus sa disparition; il faut repérer, comme lieu vide -à la fois indifférent et contraignant -, les emplacements où s’exerce sa fonction.

1° Le nom d’auteur: impossibilité de le traiter comme une description définie; mais impossibilité également de le traiter comme un nom propre ordinaire.

2° Le rapport d’appropriation: l’auteur n’est exactement ni le propriétaire ni le responsable de ses textes; il n’en est ni le producteur ni l’inventeur. Quelle est la nature du speech act qui permet de dire qu’il y a oeuvre?

3° Le rapport d’attribution. L’auteur est sans doute celui auquel on peut attribuer ce qui a été dit ou écrit. Mais l’attribution -même lorsqu’il s’agit d’un auteur connu -est le résultat d’opérations critiques complexes et rarement justifiées. Les incertitudes de l’opus.

4° La position de l’auteur. Position de l’auteur dans le livre (usage des embrayeurs; fonctions des préfaces; simulacres du scripteur, du récitant, du confident, du mémorialiste). Position de l’auteur dans les différents types de discours (dans le discours philosophique, par exemple). Position de l’auteur dans un champ discursif (qu’est-ce que le fondateur d’une discipline? que peut signifier le « retour à… » comme moment décisif dans la transformation d’un champs de discours?).

 

Les impasses, les troubles

Les délaissés ont cette faculté de délaisser

Les identifications autant au moi idéal qu’à l’idéal du moi sont aussi délaissées.

Les outils conceptuels de la psychanalyse : le désir, le transfert, le fantasme,

Restent inutilisables, délaissés.

Il apparaît que le statut de délaissé entraine une certaine activité chez l’autre,

Il met en branle la redoutable machinerie de l’insaisissable.

L’insaisissable n’est pas très aimable, il s’expose à être délaissé.

Des rencontres récentes m’ont conduit à aborder l’insaisissable et le délaissé.

Je vais vous parler de Simon Hantaï.

Simon Hantaï est né à Bia à côté de Budapest en 1922.

Il a fait l’école des Beaux-Arts de Budapest,

Puis à pied il a traversé l’Italie, est arrivé à Paris

?>